
© françoise renaud
| au cœur de cet automne singulier, je veille encore sur les plantes que j’ai fait naître il y a quelques années | comme elles je me dépouille | peau douce enveloppant le corps qui respire chante crie proteste rouspète | marche aussi jusqu’au fond des bosquets à la recherche d’odeurs et d’images qui parlent …
Les virées sur mes terres d’enfance me laissent une impression d’irréel, d’impermanence, de merveilleux. Peut-être qu’il s’installe en ces errances adorées une conjugaison savante du moment présent et de souvenirs, certains estompés, d’autres vivaces, d’autres encore digérés fixés en mémoire comme lichens incrustés dans le dur du rocher. Grains fréquents | rafales à vous coucher …
je marche dans le jour sous la pluie je marche dans les brumes de février je cherche les fantômes de mon enfance, je me défais des masques, je m’éblouis des choses minuscules qui passent à ma portée quand je marche, des mousses et des fougères qui sont à leur affaire avec la bruine, des fissures …
Je regarde autour de moi et dénombre avec stupeur les corps touchés, abîmés, souffrants, abattus même parfois — une véritable hécatombe comme après un affrontement meurtrier, une bataille à l’ancienne. L’ennemi n’accorde pas de trêve. Et même ceux que je croyais âmes proches et capables d’élargir leur vision choisissent la facilité et quittent le …
Grand vent dehors. Sans doute lui qui chasse les pensées mauvaises qui m’ont agitée cette nuit et ranime certaines images prises à la belle saison il y a quatre ou cinq ans déjà. Rendez-vous était pris avec Jean pour monter aux Falguières, un hameau abandonné là-haut sur le plateau au-dessus du village. Le temps était …
je tournais comme un lion en cage depuis hier à cause de la pluie forte qui tombe sur nous, il était temps que je m’équipe et que je sorte j’ai respiré l’odeur de la pluie et de la brume, les assemblages des branches d’hiver, j’ai marché dans les flaques qui occupaient tout le sentier, j’ai …
On dirait bien que le temps nous marche dessus. Aujourd’hui la lumière est épaisse à cause de la brume qui rampe sous des masses considérables de nuages brume tenace constituée de milliards de gouttelettes en suspension qui aiment s’agglutiner s’effilocher participer à la patine des objets …
sols tavelés tachetés piquetés — sols ambre et carmin — sols tapissés cramoisis imprégnés de pluie — copeaux de bois et minuscules pousses presque mousses — feuilles fauves bousculées par un vent en petites rafales — comme réfugiées autour des troncs — aussi dans les angles des murets ou près des bordures de pierres ou …
revenir peu à peu fréquenter à nouveau la frontière faire des gammes, se livrer à des exercices (décrire par exemple un paysage ou un bâtiment vu par une vieille dame ou par un oiseau ou par un futur meurtrier), se risquer sur une piste inconnue, glissante ou simplement broussailleuse revenir sans retenue revenir dans le …
Se moque pas mal du jour ou de l’année, le pays brut, juste proposé au regard de celui qui va, suit le sentier ou la piste sans laisser de trace — ou presque pas de traces. La promenade était belle, grand soleil traversant l’espace bleu. Peu d’animaux. On croit que tout sommeille, en fait tout …
marcher au voisinage de la rivière dans le fouillis des arbres le matin est clair et doux aux corps qui se fraient un passage non sans mal à travers des fourrés de fragon piquant qui a pris ses aises tout en portant de l’attention aux pierres qui roulent, aux mousses qui glissent, au bruit de …
Beaucoup parlent d’automne à la radio, dans les publicités. En fait rien qu’une histoire de date (on est le 23 septembre) mais je ne le vois pas encore dans le paysage. Le temps a juste commencé à changer avec la pluie ces deux derniers jours, un épisode méditerranéen bien maigre, proposant une pluie fine et …
24 mars. Déjà la danse du présent avec la mystérieuse remontée des sèves : couvre-sols revenus du néant soudain refleuris (on ne s’en était pas rendu compte jusque là, c’est arrivé vite) / petites touffes entre les pierres / fleurettes à orner la salade et à manger / jaune ficaire et jaune narcisse / étranges …
Ce texte a été écrit récemment pour une lecture autour des œuvres de Raymond Berthelot sur le thème ‘VOYAGES DE L’EAU’, du 23 au 25 novembre 2018 à Montpellier. Regarder la toile. Se laisser capter par le mystère, par la symétrie des espaces et par le ruissellement constant de l’eau. Bientôt l’apercevoir, lui qui …
La toute première fois que l’on s’est vus, vous aviez franchi le seuil et vous étiez entrés tous les deux dans la boutique. Si proches. Le lien a pris tout de suite. C’est ainsi. Les relations, c’est comme de la cuisine humaine, ça prend ou ça ne prend pas. On ne peut rien y changer. …
« Dans ma vallée », Photographies Françoise Renaud, 28 février 2018
elle observe les flancs de forêt déchiquetés, les affleurements de roche visibles entre le peu de végétation rogné par l’hiver, brûlé, décomposé, sinon les arbres forts capables de tenir encore du temps et les bosquets épineux coriaces et pour la première fois elle éprouve le sentiment que la saison froide est pareille à un rite de …
Tous mes souhaits accompagnés de ces quelques images prises lors de mon dernier séjour en Savoie cet automne. Puissions-nous tous avoir sur cette terre des fruits à manger, du bois pour nous chauffer et de la joie à diffuser. La nature offre sans réserve ce qu’elle engendre et nous pourrions très bien nous en contenter …
la lumière file de l’autre côté du versant, met le feu un instant… juste un instant, ça ne dure pas et ça peut échapper à celui qui ne regarde pas… bien sûr qu’on ne peut pas être sans arrêt aux aguets et regarder le monde, faire attention à tous les détails, observer la lumière par …
Elle se souvenait de ce long versant couvert de châtaigniers, nuages courtisant les crêtes, taillis suant le jaune à peine le début de l’été. Des courants d’air glissaient le long de la route et bousculaient au sol des paquets de feuilles desséchées par la chaleur exceptionnelle de juin. Il fallait descendre au plus creux pour …
Hier matin. Ouvrant les yeux. On ne voit pas le jour comme d’habitude qui filtre entre les rideaux. On sent quelque chose de différent. Le réveil n’indique plus l’heure. Grand silence en dehors de la rumeur de rivière. Il y a que la neige est tombée en abondance depuis le milieu de la nuit. Dix …
sec, presque mort, l’espace s’embrase autour de lui, l’incendie proche, les lumières à la tombée de l’astre, on ne sait pas vraiment ce qui se passe, une catastrophe imminente qui fait fuir les animaux des taillis, les oiseaux, c’est juste une impression sans doute lors de cette promenade au flanc du mont sauvage avec le …
Nous n’avions jamais été aussi proches d’un véritable changement, d’un mouvement vers le haut, d’une transformation qui nous ferait lever les yeux vers la cime des arbres, la plupart en équilibre précaire, racines poussées entre rochers dans peu de terreau, tête attachée au ciel comme par un fil invisible. L’autre saison approchait. Nous étions à …
Dans le cadre des Vases Communicants du mois de février, j’ai éprouvé beaucoup de joie à partager avec Philippe Castelneau, écrivain, libraire, ami en littérature. Nous avons échangé des photographies personnelles et nous avons écrit chacun sur la photo de l’autre. Il lui manquait un peu de lumière dans la tête, c’est vrai. Aussi un …
Ma vie en ce pays se poursuit, s’invente d’éléments plus ou moins reconnus par mes sens : matières minérales, plantes, écorces, lichens. Bruits aussi. L’hiver endort le monde. Néanmoins ma connaissance du lieu grandit, s’enrichit du moindre détail. Ça s’inscrit en moi à mon insu, ça me pénètre. Je veux dire, le décor, l’odeur de …