







Les « épisodes cévenols » font partie de ma vie depuis que je vis dans la vallée de la Vis, au contact de la plaine languedocienne. Les nuages remontés de la Méditerranée viennent se répandre sur les piémonts en automne, ce qui les rend magnifiques, fougueux en végétal, à l’opposé des garrigues de l’autre côté de la Séranne. En contrepartie il faut traverser ces zones incertaines de jour de nuit avec flots drus de pluie se déversant sans discontinuer sur les petites vallées, les engorgeant, saturant la terre des jardins suspendus, bousculant ravageant les berges, refaçonnant le paysage, nous percutant jusqu’à installer dans le ventre une légère douleur, jusqu’à insuffler au cœur une sorte d’humilité face au monde vivant hurlant tout-puissant, hors de contrôle. Et on ne sait rien du temps que ça va prendre pour qu’une vie plus normale revienne.
Les heures de nuit sont les plus difficiles — du moins pour moi. Le mugissement de l’eau domine la plainte des arbres et il n’y a plus de ciel plus d’étoiles pour atténuer l’inquiétude. Le corps ne peut reposer dans le lit. Il est attentif à tous les bruits, rumeurs, rafales de vent, fouetté des averses sur la vitre. En même temps cette sensation unique de participer à une expérience de voyage, traversée d’une île exotique ou d’une région inexplorée qui met en péril et bouleverse toute certitude –même celle d’être vivant.
Ensuite tout est lavé changé. Plus de poussières d’été, fleurs d’arrière-saison ébouriffées. J’aime les saisir ainsi, frimousses froissées contre palettes de feuilles tombées fauve or mauve et vert grillé.
Photos et vidéo, Françoise Renaud, 30 oct 2021