tout un été d’écriture #23 | paysages 5 fois

Visions fragmentaires.
D’abord côté couchant depuis la promenade en haut de la ville. L’aqueduc se remarque plus que le reste, rectiligne. Double rangée d’arcades dans sa partie spectaculaire – sur plus de huit-cent mètres — en harmonie avec les escaliers des jardins, puis oblique de 10 degrés vers le sud. On perd sa trace. Elle s’en fiche, met ses mains en œillères, ne regarde que les arcades et note le contraste entre pierres anciennes ruinées et carrosseries brillantes des voitures garées sur le parking juste en bas. Arbres imposants. Elle pense au moment où l’eau avait jailli pour la première fois en abondance sur la place haute — 7 décembre 1765 –, à la joie des gens. Depuis cette eau abreuve les fontaines de la ville.
Elle voit les bâtiments et elle pense aux gens, comme un renversement. Ils marchent dans tous les sens plus ou moins vite, ils entrent et sortent par des portes vitrées, ils roulent à vélo, la place est comme une vaste étoile sans cesse martelée sillonnée dans un sens puis dans l’autre. Carreaux glissant de poussière. En arrière-plan le ruissellement des fontaines.
Gros plan sur le carrefour avec tour construite sur le rempart fortifié qui ceinturait la ville, point d’observation astronomique. Atteindre les étoiles depuis cette corniche à balustres très haut en aplomb, sacrée belle idée. Et puis tellement haute cette passerelle qui réunit deux parties de bâtiment – à quoi sert-elle ? Vertige. Une fois passé la vieille porte, il fait frais dans la cour, presque jardin.
Fuir le soleil dur, atteindre les arbres de l’esplanade après les stands de fleurs. Au-delà des jets d’eau, petits bancs pour manger tranquillement un sandwich ou donner rendez-vous à quelqu’un. Pelouses toutes pelées, gravillons, crottes de chien, papiers perdus. Des types passent avec des mallettes remplies de lunettes et d’étuis à portable. Kiosques avec barnums en couleur abritant des tables, un peu comme des guinguettes mais sans la rivière. Estimer la qualité des sièges pour se faire une idée de la qualité des nourritures proposées. Ici glaces maison. Ici excellent pain bagnat — c’est écrit sur une ardoise.
Plus loin, au-dessus de la mêlée, le bâtiment-paquebot domine la route et la voie ferrée où circulent des rapides. Silencieux – c’est le béton qui fait ça ou alors le granite rose. On ressent l’intérieur en regardant l’extérieur : allure ventrue, longues lignes de fenêtres métalliques, impersonnel. Kyrielle de marches pour atteindre les portes. Elles sont raides comme celles d’une pyramide inca, c’est très mal indiqué, on ne sait pas où est l’entrée. Gens en festival (bien vêtus, par deux ou plus, en retard) et vacanciers qui traînent leurs sandales dans la poussière. On peut contourner par la gauche pour descendre vers les Beaux-Arts. Grues orange dans le quartier de l’autre côté de la voie ferrée.

 

texte écrit dans le cadre de l’atelier d’été 2018 Tiers Livre « Construire une ville avec des mots »
La proposition d’écriture (toujours en 20 minutes) / #23 : du paysage remplaçant la notion d’image, comme incluant l’observateur, et tenant compte de l’organisation de la ville par rapport au point d’usage ou d’observation, cinq notations selon différentes insertions de ce point d’observation…

Photographie Françoise Renaud, 2018

3 commentaires

  1. Journot Claude

    quelle merveille !!
    on s’y croirait ……
    toujours aussi talentueuse !!

    un fidèle admirateur
    C

  2. jacqueline Vincent

    Une ville-paquebot où l’impression de couches superposées entre différentes époques construisent une vision feuilletée d’une Cité vivante et familière…Je me vois bien te donner rendez-vous dans ce parc à l’ombre d’un grand arbre où l’eau d’une fontaine poussée par la brise venue de la mer, vient m’apporter des rêves de grand large pour le prochain épisode….Jacqueline.

  3. Tu as, une fois de plus, baladé tes lecteurs et j’ai fait la promenade avec toi.
    Oui, c’est un endroit où on pourrait se retrouver, se donner rendez-vous et s’asseoir sur un banc pour discuter, échanger nos perceptions du décor. Elle est si belle cette ville et il y a tant à dire sur ses pierres, sa végétation, ses ombres.
    La proposition d’écriture n’était pas facile, tu as su la traiter à ta manière, sans doute vite et bien comme toujours. J’apprécie beaucoup ce développement et j’attends la suite.

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