Tirer de l’oubli

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J’ai tiré du silence des images.

Vieilles.
En noir et blanc. Parfois couleurs passées très douces. Des roses, des sépias. Un peu floues.
En ouvrant l’album de famille à même sur mes genoux.
Sa couverture en cuir rouge. Odorant.
J’entendais les voix venir, tout doucement se mêler. Des voix à l’accent de la campagne. Aussi des mots, des appels. Des cris encore. Des pleurs. Et des chansons connues par cœur depuis longtemps.

J’ai tiré de l’oubli des visages. À chaque page.
Des gens quand ils étaient enfants. Des gens tout proches — parents, sœur, frère, cousins. Je les reconnaissais. Et plus loin encore, au-delà de ma naissance. Des fragments intacts tirés de l’histoire de notre tribu comme des tisons encore vivants hors du feu. Tous ces sentiments que l’existence leur avait procurés en bon comme en mauvais. Je pouvais les lire à travers les photos, je pouvais les sentir rien qu’en tournant les pages. Ô chers visages incrustés dans ces bouts de carton glacé dentelé. […]

Texte complet à paraître dans un recueil de textes sur l’enfance
Illustration : photothèque de l’auteur

8 commentaires

  1. Pascal Nyiri-Brévard

    C’est un extrait attirant. L’odeur de l’album est venu jusqu’à mes narines.
    Je lirai volontiers l’entité finale.
    p.

  2. Les bouts de carton glacé dentelé, format carré souvent, disent l’âge des gens. Parfois, ces gens ne sont plus là. J’en ai récupéré des boites entières cet été chez ma mère, de ces visages disparus.
    Merci Françoise d’avoir partagé avec nous cet extrait.

  3. jacqueline de Saint Jean de Maurienne.

    Ouvrir un album où des photos dentelées et grisâtres nous font signes de ces temps où la couleur n’existait pas et où les silhouettes compassées et rigides laissent émaner un parfum de nostalgie…comme des secrets enfouis qui font battre nos cœurs où l’enfance n’est jamais loin… bien sur nous attendons la suite et ton recueil…. Jacqueline.

  4. comme j’aimerais, moi aussi, parcourir quelques photos très anciennes à la recherche d’un passé, d’une enfance, d’une fratrie. Tu as eu la chance d’en exhumer et elles te parlent. Tu nous fais partager tes sentiments olfactifs et aussi ceux de ton coeur. Vite la suite

  5. Si précieux de vous sentir tout proches, attentifs à ces rumeurs, ces mots qui voudraient raconter sans cesse ce présent que nous vivons, fugitif. Éphémère.

  6. oui ces bouts de carton dentelés, j’en ai plein moi aussi que je n’ai pas encore regardés. Ma mère me les a donnés. J’attends… peut-être plus tard…
    je ne sais pas si j’en ai vraiment envie, enfin pour l’instant.
    Merci ma douce pour ce partage, ce petit garçon est grave et ton texte nous invite à la nostalgie…

  7. françoise toursel

    et bien voilà une belle entrée en matière qui promet un nouvel ouvrage intimiste et émouvant…
    cette photo me parle évidemment, je connais le local et le petit garçon!….
    et puis ces photos dentelées qui marquent l’époque de notre enfance… elles ont un goût si particulier… J’en possède pas mal moi aussi , maintenant que ma mère a disparu… et que j’ai dû vider sa maison …. que de fois j’ai dû m’arrêter de trier, arrêtée chaque fois qu’apparaissait une de ces petites photos, happée par l’émotion et les souvenirs…
    bon courage pour la suite! tu as ouvert la boîte de Pandore !!

  8. roger marie jeanne

    oui je connais ce petit garçon. La suite va obligatoirement me plaire
    J’ai un sac de cette époque rempli de photos avec de la dentelle. J’ai également une petite fille rousse qui faisait a l’époque sa profession de foi. De livre en livre, elle parcoure son chemin
    Je t’embrasse, ma francoise.

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