la composition du domaine

carnet d’installation | 31 décembre 2023

Je prends pleinement conscience du lieu au terme d’un an de vie, d’écriture et de chantier. Je le vois d’un horizon à l’autre, je vois comment il aspire la lumière et s’offre aux vents. Je me penche par la fenêtre. Je sens l’hiver qui passe sur lui. Je peux désormais l’appréhender avec ses quatre hectares qui entourent le corps de ferme et ses annexes et le taillis plus loin sur la colline. La maison propose ses deux faces, l’une reliée à l’hiver avec la lumière basse qui remplit les fenêtres, l’autre reliée à l’été avec la fraîcheur du flanc nord. Son potager est proche pour récolter, protégé au sud par une barrière de lilas, à l’ouest par un vieux châtaignier et d’épais cytises. Il bénéficie ainsi de la lumière du matin, plus douce que celle du soir. Et jamais je n’aurais fini de l’observer, de découvrir ces petits arrangements des espaces entre eux, comment ils vivent avec le ciel et l’espace du ciel et tirent le meilleur de la terre. Les langues locales anciennes parlent certainement de ces orientations favorables à la vie des hommes et des bêtes et à la bonne croissance des plantes après l’ensemencement. Les oiseaux n’ont rien à craindre. Toujours à manger pour eux. De même les autres créatures qui trouvent pitance dans les forêts, renards hélas traqués par les chasseurs pour rôder trop près des poulaillers.

Le projet est bien de se sentir heureux. Les travaux conduits ici ont amélioré la vie un peu plus. Les murs de pierre sont larges et beaux, les arbres ont du souffle et racontent des histoires. Un quotidien plus fort m’étreint. Surtout écrire cela pour que ça dure encore, écrire tout ce qui est offert avec soin et amour pour que d’autres le ressentent comme s’ils y vivaient ou en tirent parti pour apprécier leur part de paysage. Recommencer quand l’année est terminée.

Ici le monde semble tourner dans le bon sens. C’est l’hiver. On attend de la neige pour dimanche.

Photographie ©Françoise Renaud, 2023

15 commentaires

  1. Le choc de la photo, parce que celle-ci, comme les autres, me surprend et toujours à me dire c’est beau, comment elle fait ? Ces traits verticaux et verts comme un paysage de neige hachuré, timide, qui se refuse, s’effarouche, se fait désirer. Cette attention au proche, comme la photo le fixe, l’offre, et cette proximité offerte m’émerveille. Alors donc un an déjà ? Et bien sûr la fin du journal d’installation. Nostalgie. On attendra le livre, ce que l’installation dans le lieu aura porté à ton inspiration et ce sera un peu poursuivre l’installation. Et tes trois dernières phrases courtes qui unissent le monde, l’hiver, dimanche. Merci, Françoise.

    • Tout est source à épier, à observer, tout est source à se nourrir… j’essaie de travailler sur ces éléments minuscules, d’apprendre à regarder (sans doute mon passé de naturaliste !)
      parfois j’ai l’impression de les dérober, pourtant c’est offert, tout est à portée de main…

  2. oui comme Anne j’admire, je savoure, que c’est bon et beau !
    à te lire encore, dans le prolongement de cette belle balade commencée il y a déjà douze mois, …, merci Françoise !

  3. Toujours cette poésie dans tes mots, la tienne et celle des lieux que tu décris…

    • Merci fidèle ami dans l’écriture
      La poésie serait sans doute ce regard particulier qu’on parvient à porter sur le réel, un peu comme l’épice qu’on ajoute au plat ou l’espèce rare qu’on déniche au jardin

  4. L’impression de continuer le voyage avec toi, ou tes personnages, ce qui est bien la même chose, jusqu’à moi-même à devenir un personnage et à accéder à un peu de toi. En grand respect et belle légèreté.

    Créatures du fleuve, Assis sur la falaise, L’Autre versant du monde… ou Dans ce lieu là ou je n’irai jamais mais que tu fais vivre en moi…

    À prolonger la vie du nomade en moi !

    Gratitude
    Alain

    • Bonheur de retrouver le fil de l’histoire à travers ces titres de livres qui ont marqué ma route…
      c’est aussi mon projet de vous embarquer avec moi sur cette route
      Merci Alain et continuons à voyager ensemble…
      surtout ne jamais s’arrêter…

  5. Marie-claude Morote

    « -Le projet est bien de se sentir heureux- »
    Voilà qui est dit, voilà qui semble bien prendre forme dans l’intention. Tu décris ce lieu de vie avec ce qu’il faut de saveur pour sentir le regard de plus en plus aimant sur ton environnement.
    Tu es à la bonne place en ce moment de ta vie, à ne point te lasser de ce paysage sans cesse en mouvement dans l’invisible bien souvent pour engendrer de telles beautés à contempler. Il va de soi qu’il faut aussi du courage, de la constance dans l’effort, du goût comme on dit pour anoblir le quotidien et puis ces mots, tes mots, cette reliance quasi sacrée entre toi et cette terre que tu chéris là où tu poses les pieds..
    Merci pour ces partages

    • Peu importe le lieu puisqu’on le fabrique pour soi, avec la capacité qu’on a en soi de « voir » avant de le transmettre dans ses nuances (mon rôle de « poète » sans doute…)
      J’essaie de relier le temps qui passe avec le ciel et avec la belle terre accumulée sur le socle en granite de ce pays et ça pourrait être n’importe quel pays…
      Toujours ta sensibilité à percevoir les mots…

  6. Jacqueline Vincent

    Je suis très émue en ce soir de neige en parcourant ton texte… Un an déjà que je parcours tes espaces, ta maison, tes craintes et tes joies mais surtout l’Amour de la TERRE devenue ta TERRE…

    • De l’émotion aussi à recevoir ton retour…
      n’importe quel endroit de la terre se transforme dans notre regard et au fil de la vie qui nous traverse en même temps… tout ça, c’est du vivant…

  7. Comment, avec quatre mots (un peu plus, quand même) peux-tu faire que je vois, oui je vois et je sens, ta thébaïde gaie et accueillante? Bref, c’est le talent toujours continué.

  8. brigitte celerier

    quel beau projet et au ton de l’écriture
    cette impression agréable pour les lecteurs d’une sérénité après les efforts et d’une réussite à tort ou à raison (l’impression) et le bien que cela nous fait

  9. On se sent vivre en ton domaine plein de lumière, chaque saison marque son passage, s’enfuit pour renaître différente. La végétation se fait généreuse elle crée un tableau de maître agrémenté d’animaux en totale liberté.
    Merci Françoise pour la belle visite, en relecture j’y reviendrai.

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