au silence du monde | 1er février 2024

à tous ceux qui l’ont connue ou auraient aimé la connaître

tout ce que la lumière dévoile

tout ce qu’elle dissimule aussi dans le trop-plein, dans l’excès, alors que la saison devrait être froide

tout ce que nous traversons, le temps, oui mais aussi les espaces géographiques mais aussi les espaces des pensées qui se croisent au chaud du corps et tricotent des lignes à écrire à envoyer au loin du monde tels messages vers les étoiles brillantes, suppliant qu’elles fassent écho à notre joie à notre peine

tout ce que la lumière m’apprend d’elle, lumière répandue sur son visage tendu vers le ciel et lumière émanant de l’intérieur d’elle, alors qu’elle ne respire plus, alors que je ne l’ai pas revue depuis mon départ de là-bas, entendue une fois avec beaucoup d’inquiétude, et ce phrasé qui était le sien, rien que le sien, la douceur de son teint, le choix des mots, les tons pastel de ses vêtements, elle en avait peu, pas riche en biens, juste une cabane sur la bosse sous la montagne d’où elle contemplait les constellations et le croisement occasionnel des planètes, elle mangeait à peine, elle avait un oiseau qui picorait dans sa main, ce chagrin quand il est parti au grand vent du dehors, et j’apprends ce matin qu’elle est partie et elle me manque, sa douceur me manque, l’infinie douceur de son visage et de ses longs cheveux blancs tressés, née en ce village elle connaissait tous les recoins et entrait dans toutes les maisons, touchée par le paysage elle ramassait la bruyère par brassées à l’époque de sa floraison, une amie me le raconte et ça lui ressemble tellement

tout ce que la lumière me raconte d’elle encore sur la photographie, tout ce que j’ignorais, bribes que je rassemble comme des miettes comme des cendres

tournée vers l’orient je préserve le souvenir de sa voix

Photographie françoise renaud, printemps 2022

23 commentaires

  1. C’est beau ces mots cet hommage ces pensées, comme une envie de s’y accrocher de lire encore et encore alors même que cette lumière cette inconnue nous on ne l’a pas vue…

    • le texte pourrait se poursuivre sur le mode « Tout ce que la lumière » qui déclinerait des verbes inattendues et en même temps d’autres scènes d’elle, d’autres images…
      tu as raison, Marine, poursuivre plus loin, écrire encore et plus loin…
      (tous les jours je m’efforce de le faire….)

  2. Doux souvenir de ton ancien village cévenol, je suppose. Un bel hommage à cette inconnue.

    • Oh chère si chère et tendre amie !!!
      Je comprends ainsi le silence des derniers jours (presque dizaines ?!)
      Paix à l’âme que tu pleures !
      depuis les rivages océan, douceurs et réconfort traversent plaines et collines pour des embrassades sincères…
      Et bientôt pour de vrai, promis
      Je t’embrasse fort et tendre

  3. Sa chevelure représentait sa personnalité douce soyeuse légère lumineuse. Elle te manque déjà.
    De tout coeur.

  4. Claudine et Josette

    Tu sembles avoir perdu quelqu’un de cher, cette silhouette dont la longue tresse blanche nous invite à l’imaginer plus longue encore, jusqu’à atteindre la terre, traverser les chemins, les pays peut-être… De tout cœur avec toi.

    • peut-être que vous l’aviez croisée, cet été-là, lors de votre périple au détour de la ruelle… je ne sais plus… en tout cas j’embarque dans votre imaginaire et votre tendresse à vous deux…

  5. Marie-claude Morote

    Ce texte va droit au cœur dans le recueillement des mots.
    Tendresse

  6. Le portrait est si net de la dame dans son paysage qu’il est difficile de croire qu’elle s’en absentera un jour.

  7. douceur de la photo, douceur du commentaire, ce que le vide peut apporter de douceur contenue dans tes mots, même pas un regret… un manque !

    • quand j’ai écrit hier matin, j’ai pensé tout de suite à cette petite série de photos volées alors qu’elle passait par mon jardin… et ça la rend éternelle…
      merci Lydia d’être passée tout près

  8. Oh oui, on aurait aimé la connaître cette amoureuse des bois et du ciel, cette indépendante à l’aura mystérieuse que sa natte de cheveux blanc rend juvénile. L’émotion affleure tes mots, leur poésie la nimbe et l’allège. Un texte d’une sensibilité pudique. Merci Françoise.

  9. Merci à vous tous !
    Découvrir tous vos commentaires ce matin me réchauffe et m’anime d’une grande pulsion du vivre…
    Elle, la dame à la natte blanche, poursuit son voyage et demeure dans mon paysage intérieur. Nous la regardons en levant les yeux comme un minuscule point brillant au cœur des étoiles.
    Merci d’être là, en mots et en tendresse…

  10. C’est très beau, bien ton écriture, bien tes trouvailles que ce « tout ce que » qui ramène plus encore, et j’ai d’abord pensé que tu parlais de l’héroïne du livre en cours, et comme ces deux personnages féminins se répondent m’a-t-il semblé. Au silence du monde, il y a ta voix qui écrit. Merci, Françoise.

    • il y a certains matins où des mots viennent ensemble et ça fait comme des mots à « filer », à « tisser », à prolonger encore
      au fond on part de rien, presque rien, et ça devient un texte avec ce qu’on a en tête à ce moment-là… et hier matin c’était ma douce amie à la longue tresse… c’est ça qu’on appelle la voix, elle s’élève, les mots se tissent, et ça devient un texte…
      et tu as raison, Anne, elles se répondent, elle et la femme assise dans la cuisine de mon roman en cours… elles pourraient se rejoindre…

  11. comme c’est doux et fort l’amour des autres, d’une autre dans la lumière de la nature, s’y promenant doucement et à pas comptés.
    Compagne de toutes les maisons, familière à tous et à toi ma Françoise, qui l’aimait et l’observait discrètement.
    Cette dame t’accompagnera à jamais.

  12. Brando Alibert Jocelyne

    Quel bel hommage Françoise pour notre amie qui s’est envolée de nos Cévennes qu’elle aimait tant. Elle connaissait tous les coins à champignons, elle était une fille des bois.
    Elle est allée rejoindre son père et sa mère qui, comme elle, était des gens adorables, différents d’elle mais tellement bons.
    À jamais dans mon cœur et dans mes pensées…

  13. Un belle personne s’en est allée…
    Merci, belle autrice, d’évoquer cet émouvant souvenir…
    Nous aimons partager le sentiment que révèle ta fresque sensible…

  14. « au fond on part de rien, presque rien, et ça devient un texte avec ce qu’on a en tête à ce moment-là… et hier matin c’était ma douce amie à la longue tresse…  » Je comprends l’importance d’un tel élan d’écriture pour une femme ici suivie de dos et qui t’entraîne dans son sillage. Elle n’est plus qu’une silhouette incandescente dans ta mémoire mais elle éclaire puissamment ton chemin. Je prends part à ta peine qui ressemble à la mienne, dans un autre paysage, avec d’autres souvenirs. Ton texte est chaleureux et doux. Une femme devant soi…

    • toujours une grande sensibilité dans tes commentaires et une attention particulière à l’autre…
      tu écris « elle éclaire puissamment ton chemin » et c’est tout à fait ce que je ressens, elle a marqué des pans de mon territoire et y demeurera à jamais
      merci d’être passée, Marie-Thérèse

  15. Jacqueline Vincent

    Je viens de lire ton message et les commentaires qui l’accompagnent… A travers tes mots je ressens ta peine et mon regard s’embrume devant cette femme qui m’apparait, poétesse cévenole, qui a traversé ton chemin de vie. Elle appartient maintenant à cet imaginaire qui va désormais s’animer et revivre à travers ces mots et devenir ainsi immortelle.. Le plus bel hommage partagé… pour une vraie consolation.

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