carnet d’installation | 30 décembre 2022
des jours à se réveiller trop tôt à cause de l’impatience
des jours à se réveiller à cause de l’urgence à accomplir ce projet dessiné en arrière-plan depuis plusieurs mois, projet comme jailli hors de la pensée, piste ouverte, chantier, bifurcation capable de propulser les corps loin des lisières du pays connu comme au dehors d’une tombe et d’enclencher une faim de loup à croquer les perles de rosée, à fendre les rideaux de pluie adorée après tant de sécheresse, des jours à se préparer à bondir hors de la cage qu’on avait pourtant choisie et qui jusque-là convenait à toutes sortes de fantaisie, brusquement devenue trop étroite, et même étouffante, insatisfaisante, toutes les causes venant s’inscrire devant soi comme autant d’évidences qu’on avait soigneusement repoussées telles poussières sous le tapis, et j’avais bien vu tout ça qui se développait et broyait petit à petit la vie à l’intérieur pareil à des inscriptions irrévélées datant de trois mille ans, encore fallait-il l’étincelle pour leur donner vérité et éveiller ce désir d’explorer de nouvelles provinces
des jours à vivre dans un dernier automne, à préparer ce moment où les objets rangés dans leurs caisses allaient être portés à bras d’homme en chariot en brouette puis entassés dans un camion puis conduits sur plusieurs centaines de kilomètres dans un lieu pointé du doigt sur la carte, un lieu riche en forêts et en bêtes libres d’aller où bon leur semble
ce matin la fenêtre est ouverte sur le jour au sud-est
des bâtiments au loin, corps de ferme magnifiques ayant abrité des générations d’hommes et des troupeaux et des chiens de troupeaux
pas de voisins
l’herbe frémit sous le vent dans le grand pré et aussi dans le potager abandonné, je sens que mes yeux sont brillants et que ma peau est devenu surface à écrire de nouvelles histoires, à questionner l’essence de ces bois couronnés de fougères qui ont donné son nom à cette place où s’étend désormais la maison



Photographies FR 30/12/2022