Matinée d’errance au jardin.
Les pluies violentes d’il y a quelques jours ont frappé puis embaumé l’espace — aster dahlia sauge sédum véronique anémone hydrangea graminée —, partout floraisons tardives fragiles bouleversantes en alternance avec le désordre des touffes herbeuses et des hampes desséchées lourdes en graines et encore courtisées d’insectes. Je prends tout, vais à leur rencontre, observe dans le détail espèces et variations — chacune me tient durablement sous sa coupe —, me nourris d’un massif puis de l’autre, et aussi du corps en son entier exposé là dans les parcelles de ce champ pareil à une planche botanique, corps divers et complexe que j’ai contribué à composer ces dernières années au hasard de mes trouvailles, qui désormais vit en dehors de mes soins et de mes désirs telle une entité n’appartenant qu’à la nature.
Je m’interroge sur ce qui préside à un développement si prodigieux entre deux solstices malgré l’agression des canicules, l’incessante compétition entre les espèces, l’instabilité grandissante des saisons. Le hasard — en partie sans doute —, la recherche innée d’équilibre des architectures végétales, l’improvisation propre aux vivaces. En tout cas cette puissance du vivant a tendance à me donner confiance. J’en prends bonne mesure, associant l’orée de cet étrange automne et l’insistante beauté du monde.
Il y a aussi en cet endroit une multitude de signes infimes et très anciens que je porte en moi, indices appris il y a longtemps dans le jardin de mon père (petites poires brunissantes, feuilles brossées par une rafale de vent, porte de la serre à la peinture écaillée, arrosoir abandonné, outils usés bien rangés), autant de signes qui se manifestent et se superposent au réel, dessinant une sorte de mosaïque tout à fait personnelle composée de couleurs vives, d’éclats de lumière, de corolles, de mousses spongieuses, de fragments de carapaces et de brindilles, le tout organisé dans mes mémoires — ou plutôt désorganisé — pareil à une rêverie, soudain stimulé par les surprenants jaillissements de l’automne.
Photographies Françoise Renaud – En mon jardin cévenol, 26 septembre 2020
Tellement juste… comme toujours… merci
En voilà une façon magistrale d’exprimer l’après déluge.
Toutes ces fleurs, couleurs, odeurs , arrangements automatiques de la nature qui se remet en place avec la saison, la température et le temps.
Merci Françoise de nous faire partager la transformation de ton jardin après les intempéries qui l’ont embelli.
(les photos sont superbes)
ce matin avec mes filles je visitais un jardin botanique créé par un paysagiste. Ce soir sur tes photos magnifiques je trouve ces même plantes, espèces variées, rares et multiples, graminées droit debout, fleurs aux teintes pastel… roses encore odorantes…
merci Françoise de nous décrire si bien cette merveilleuse nature.
Tellement bien écrit avec autant de détails ressentis. Et cette manière de nous amener dans ton autre jardin plus intime, frémissant, à fleur de peau, riche de sédiments émotionnels. Tu fais vibrer la terre, notre sédiment craque ..
Les photos respirent le regard fier de contempler une profusion de plantes remarquable , alchimie entre soins prodigués et puissance de la sève inspirée dans votre petit coin de paradis..
Et je ressens aussi la fragilité paradoxale d’ un endroit pareil qui tient droit sur le fil d’ un cordeau ne souffrant aucun trop de quoi que ce soit…
Une promenade enchantée dans ton monde végétal et dans tes émotions.
J’ai transmis à mon fils jardinier, en Guadeloupe comme tu le sais -autre monde végétal, mêmes vibrations- ton beau texte si bien illustré. Merci, de tout cœur, chère Françoise.
Un arc-en-ciel de couleurs qui me parle, entre bleu blanc et parme que le vert habille et magnifie… Une symphonie d’automne où tes mots mettent puissance et fragilité sur ce bouquet coloré et odorant et me donnent des frissons qui parcourent ma peau et la terre nourricière.
la turbulence fiévreuse de l’orage éveille la splendeur silencieuse d un somptueux tapis fleuri
l’harmonie musicale d’un texte ciselé à la perfection rend un sublime hommage à la splendeur tranquille de la palette épanouie de ce vagabondage floral
suspens extatique plénitude intemporelle du Baiser de Gustav Klimt
instant de grâce
amants enchevêtrés au cœur d une immense vague fleurie
Ton délicat poème exhale un bonheur délicieux
la capacité d’évocation d’une écriture à recréer tout un univers, couleurs, odeurs, sentiments, paysage qui peu à peu s’enrichit, se déploie, et le plaisir de retrouver la voix qui donne son incarnation à cette création de mots, l’émotion d’être touchée, encore, par l’humain, de partager son humanité profonde, merci Françoise.