rêverie de septembre

Matinée d’errance au jardin.

Les pluies violentes d’il y a quelques jours ont frappé puis embaumé l’espace — aster dahlia sauge sédum véronique anémone hydrangea graminée —, partout floraisons tardives fragiles bouleversantes en alternance avec le désordre des touffes herbeuses et des hampes desséchées lourdes en graines et encore courtisées d’insectes. Je prends tout, vais à leur rencontre, observe dans le détail espèces et variations — chacune me tient durablement sous sa coupe —, me nourris d’un massif puis de l’autre, et aussi du corps en son entier exposé là dans les parcelles de ce champ pareil à une planche botanique, corps divers et complexe que j’ai contribué à composer ces dernières années au hasard de mes trouvailles, qui désormais vit en dehors de mes soins et de mes désirs telle une entité n’appartenant qu’à la nature.
Je m’interroge sur ce qui préside à un développement si prodigieux entre deux solstices malgré l’agression des canicules, l’incessante compétition entre les espèces, l’instabilité grandissante des saisons. Le hasard — en partie sans doute —, la recherche innée d’équilibre des architectures végétales, l’improvisation propre aux vivaces. En tout cas cette puissance du vivant a tendance à me donner confiance. J’en prends bonne mesure, associant l’orée de cet étrange automne et l’insistante beauté du monde.

Il y a aussi en cet endroit une multitude de signes infimes et très anciens que je porte en moi, indices appris il y a longtemps dans le jardin de mon père (petites poires brunissantes, feuilles brossées par une rafale de vent, porte de la serre à la peinture écaillée, arrosoir abandonné, outils usés bien rangés), autant de signes qui se manifestent et se superposent au réel, dessinant une sorte de mosaïque tout à fait personnelle composée de couleurs vives, d’éclats de lumière, de corolles, de mousses spongieuses, de fragments de carapaces et de brindilles, le tout organisé dans mes mémoires — ou plutôt désorganisé — pareil à une rêverie, soudain stimulé par les surprenants jaillissements de l’automne.

 

Photographies Françoise Renaud – En mon jardin cévenol, 26 septembre 2020