journée du 25 janvier
Quoi tenter d’étreindre ce matin en ces heures de gel encore.
Ciel pâle alors qu’en arrière du versant il y a davantage de couleur. Puis elle vient la couleur et remplit la vallée. Dans la timidité de l’hiver. Une gamme de jaune ocré mêlé de blanc et de beige rosé. Irruption brusque du soleil à dépasser le versant. Et cette longue trace blanche de l’avion qui amorce sa descente vers la plaine et la mer là-bas toute plate.
Elles deux caquètent se précipitent l’une contre l’autre. En attente de grain ou d’herbe. Elles gloussent parlent vraiment quand je passe. Je leur parle aussi. Elles me suivent observent chaque mouvement de ma silhouette. Demeurent vigilantes à ma voix. Elles ne connaissent que cela entre tanière double haie de framboisiers et ganivelles fabriquées avec du bois de rivière. Le rythme de leur attente. La pulsation chuchotée de leurs petits cœurs sous les plumes. Et puis cette flambée joyeuse en battements d’ailes effrénés quand j’entre avec de la pitance à distribuer.
Scintillements du jour. Soleil au maximum du possible en cette saison. S’incline sur ma lecture.
Il n’y a pas de récit, pas d’événement notable. Parfois simplement un sursaut dans la poitrine qui raconte la vie simple ici et maintenant.
Je cherche la couleur au jardin mais il n’y a presque pas. Tas de végétaux qui sèchent et se décomposent chaque jour un peu plus. Les tiges de glaïeul encore dressées sont devenues rousses. Écoulement permanent de l’eau. La rive n’est qu’enchevêtrement de bois délavés branches brindilles touffes d’herbe gelées bouts de clôture charriés par d’anciennes inondations puis chahutés rochers pris dans la masse végétale. Un peu plus haut, une petite plage aux cailloux lisses comme triés par le courant. Gris foncé gris clair et blanc.
Chatte tapie dans une jardinière. Elle croit que personne ne la voit. Elle affûte son espionnage. Chaque traque est un commencement. Chaque saut, une ligne dessinée dans l’espace, un franchissement.
La courge coupée en deux offre sa chair sur la table de cuisine. Graines humides attachées les unes aux autres qui seront mises à sécher. Y tailler des quartiers. Peler la peau. Dans ce geste prêter attention à la trajectoire du couteau qui détache l’écorce de la matière consommable. La courbe tracée dedans. La force qu’il faut pour faire avancer le couteau. Contenus comme inscrits dans l’orangé de la chair le goût le velouté le parfum de la soupe.
De quoi s’emparer à présent que le vent est rentré, vent du nord frigorifiant soufflant par les collines les berges les ruelles.
Le feu danse salvateur. Tourbillons flammes élans dans le désordre bois sombre braises. J’offre mon corps au feu après le froid comme s’il s’agissait d’un soleil comme au premier jour de la vie. Je profite de la peau qui se réchauffe en fourmillements un peu douloureux. Cède à l’attraction de la contemplation du brasier qui active souvenirs agonies séparations dans l’avancée irréductible des secondes qui nous pousse hors du champ.
regarder, regarder encore, saisir des choses imperceptibles et essentielles ensuite trouver le chemin de l'écriture et non il n'a pas neigé mais c'est un peu ce sentiment de blancheur et de silence que j'ai recherché et puis user seulement de phrases courtes et simples, sans virgules... juste des points classiques...
Photographies : FR, au jardin en hiver 2018
Qu’il fait bon vivre chez toi, on a très envie de te rejoindre pour déguster la bonne soupe.
Très beau texte, on s’y croirait.
Merci Françoise
Très beau !
Texte qui interpelle les sens souvent endormis sous le poids des habitudes. Phrases courtes efficaces. On entre un peu en toi avec ta permission. L’ordinaire prend tournure de vie importante. Nourrir le besoin de vivre intensément ce qui nous entoure..
L’ordinaire est notre seule vie. Nous n’avons rien d’autre que cet instant qui passe et puis un autre qui suit et encore…
Nous reste à cueillir cela, le sublimer pour ne pas laisser la mélancolie nous envahir. Le temps est notre précieux lot et l’ordinaire est à choyer. Nous reste à apprendre à ouvrir les yeux.
J’avais eu le sentiment un jour qu’écrire, c’était « écarquiller le corps » comme on le fait avec les yeux…
Il faut beaucoup de maturité et de conviction pour atteindre cette écriture détachée de contrainte. Il en résulte le discret et l’unique de la parole comme acte de pensée sans détours, c’est réussi. Merci pour cette promenade chez toi.
Merci Jacki pour ton passage par ici…
Un certain détachement est nécessaire pour voir et sentir et vivre en même temps, détachement par rapport à l’instant, par rapport au résultat. Pas d’effet. Simplicité apparente.
Écrire tenterait de restituer cette chair du réel qu’on aimerait attraper avec la main.
observation, analyse, description pointue, tout est dit simplement.
Les pâles couleurs de l’hiver, végétation figée par la froidure, brindilles gelées, cailloux triés par le courant. Tout est serein.
Merci Françoise
La froidure d’un jardin ou l’on avance à ton rythme. j’en ai le souffle coupé et la fin arrive trop vite tant la beauté qui se dégage semble inscrite à jamais dans tes mots simples du quotidien. Merci pour cette promenade et cette odeur de soupe chaude qui nous attend en rentrant. Jacqueline.