poursuivre ce journal de convalescence au rythme de la solitude, des événements de rien et des vents de printemps
27 mai
« Chacun allait où il voulait et y restait aussi longtemps qu’il voulait »… ainsi écrivait Stephan Zweig dans Le monde d’hier, souvenir d’un européen, c’était en 1942… aujourd’hui passeports certificats autorisations spéciales sont nécessaires pour circuler : rétrécissement de l’espace, disparition d’espèces animales et végétales, pollution généralisée, tout le monde veut aller partout, consomme du voyage — mais pour quoi faire ? —, contribuant à la dégradation de l’eau, de l’air, des rivages, des milieux naturels, et pillant les ressources
tout cela t’effraie et tu veux définitivement porter ton attention sur ce qu’il est possible de faire au quotidien pour cesser de salir détruire, te fondre dans le décor avec humilité, devenir léger
28 mai
première sortie hors de tes murs, seule (sans soutien)
tu te rends au chalet de tes amis un peu plus haut dans la vallée pour admirer la floraison de certains cactus installés on ne sait plus quand au flanc du jardin (tu aimes te nourrir de ces événements improbables rattachés aux conditions climatiques, aux réserves insoupçonnées des plantes et aussi au rêve… les amis le savent), tout un moment à contempler le blanc ombré d’or, le vert anisé des sépales, l’organisation des étamines dans la gueule semblables aux papilles d’une langue et le pistil aux allures de créature marine — comment créer après ça ? —, tu ressens comme une piqûre la puissance qui anime les choses du vivant et les horizons de brume ou de feu ou de glace et les paysages que tu as eu l’occasion d’observer depuis que tu respires, le sublime des formes et des mots contre l’incontournable de la mort, la couleur contre la destruction
29 mai
tu réapprends des gestes simples avec la conscience du placement et de la verticale, tu en reviens naturellement aux époques pas si lointaines où l’homme s’était redressé pour regarder le monde d’une nouvelle façon, alors il avait commencé à parler
2 juin
casser le corps engendre des interrogations, ébranle, ranime la peur de la fin, ce qui hier était chose banale est devenu objet de désir — on le sait pourtant que tout est précaire, éphémère, en équilibre entre le tout et le rien, la lumière et les ténèbres —, et tu te souviens de tous ceux qui ont habité la ville, avec qui tu as partagé des repas, des conversations, dont le numéro de téléphone était inscrit dans ton agenda, un numéro qui désormais ne répond plus… et donc coûte que coûte, tu essaies de rester du côté de la lumière et de faire confiance à l’étincelant
photographie : Françoise Renaud, mai 2019
Je ne connais pas cette très belle cactée … une splendeur de pureté et de grâce…Je te sens extrêmement sensible à tout ce vivant qui t’entoure et te rassure… dans une semaine nous serons à la fête !!
Bon voyage vers l’océan… prudence!! à tout bientôt !!
tu reviens tout doucement à ta vie de tous les jours. Prends soin de toi belle amie et profite de la vie qui est si inattendue dans ses évènements.
Je pense à toi très fort et te dis toute ma fidèle amitié.
Re-découverte de ton espace et de ce qui l’entoure, de la nature et de ton corps mais aussi relativité des choses de la vie.
Une très belle façon d’exprimer son ressenti.
La vie reprend. Corps et âme à l’unisson pour ce moment de repos où le rêve et la beauté des choses donnent un sens aux joies comme aux épreuves du quotidien.
Je reviens vite en arrière pour relire ce très belle hymne à la vie. Jacqueline.