carnet d’installation | 21 mai 2023
| rien vu rien entendu, soudain le soir le champ d’en face s’était retrouvé changé, l’herbe fourragère par terre | toute coupée | et on n’avait rien entendu rien remarqué | tu as vu ? le champ de l’autre côté, il a été fauché, l’ami de la Grande Faye a dû passer | le lendemain le tracteur jaune et vert est revenu au milieu de l’après-midi, drôlement nerveux, rapide, avec à la manœuvre une petite silhouette bondissante à l’intérieur de la cabine — a priori une femme, sans doute la femme de la Grande Faye | de loin elle a fait un signe de la main, visiblement pressée, pas le loisir de discuter, la course après le temps la météo, surtout couper remuer balloter avant que la pluie vienne | et c’est vrai qu’elle en a mis du cœur à sillonner toute la surface, retournant avec son attelage-râteau la matière de luzerne si légère déjà jaunie en peu d’heures, alors dessinant des motifs éphémères sur le coteau | alternance vert séché jaune grillé, vert séché jaune grillé | et ça lui allait drôlement bien à elle, la femme en pull jaune de la Grande Faye qui en fait habite le Grand Neyrat, bondissante et menue, de dessiner comme ça le plancher du paysage avec son engin à la façon d’un pinceau-gomme sur un écran d’ordinateur |
| vent favorable, lumière douce sur les îlots d’herbe odorante désormais privée des murmures du vent |
| en fait tout est allé bien vite dans la saison, la croissance de la luzerne, le fauchage, l’aération, l’emballage en rouleaux prêts à embarquer sur remorque pour attendre la prochaine saison d’hiver à l’abri, plus tard être mangée par les bêtes limousines à l’étable | je n’aurais pas cru | plus rapide que la croissance des fruits ou celle des roses trémières que je guette au fil d’un vieux mur |
Photographie ©Françoise Renaud – dans mon champ, mai 2023
on s’y croirait, quel métier que celui de paysan, dur à la tâche, tributaire du temps et de la météo
tu les décris bien mon amie et tu les aimes ça se sent
merci de nous faire participer par ton regard bienveillant et tendre sur ces gens qui travaillent dur
Oui, une drôle de saison que ce printemps où l’herbe foisonne alors que les semences et les plans végètent par manque de soleil. Et les paysages qui changent très vite, gris, verts, roses bougeant dans le vent et le frais de cette soirée de Mai, où je viens de rattraper mon retard et avaler avec gourmandises tes mots offerts du travail de la terre, comme un tableau impressionniste…
je retiens ton mot « impressionniste », c’est cela…
il y a ces nuances, ces touches infinies qui vibrent dans le vent, c’était le cas il y a quelques minutes alors que je marchais sur le chemin qui serpente jusqu’au bout des Fougères…
« dessiner comme ça le plancher du paysage » et le reste comme le portrait de celle qui a qui tu prêtes ce pouvoir de dessiner le plancher du paysage, si beau…