luxuriance

chant 1

aller, aller au long de la terre, au long des flancs où poussent des arbres et des plantes capables d’envahir l’espace jusqu’à le posséder
on le voit bien, on voit la chair verte jaillir en abondance de la matière noire broyée nourrie de si nombreuses saisons
matière terre qui a des ressources — on se demande où elle les puise —
elle a toujours de quoi donner et pour toutes les espèces
merveille de terre qui s’enrichit du ciel et de l’apoptosis, strates parfois lisses parfois striées de cailloux grenus et ronds — le monde végétal a toujours su se débrouiller avec ça, composer avec le rugueux, l’aspérité –,
et bien d’autres vallons doux habités de sources où s’abreuvent les chevreuils

sans cesse on l’abîme, la heurte, la pollue, l’assèche, la ruine, l’étouffe, la condamne à la stérilité, en même temps nous refroidit nous autres, nous condamnant au désert et à la faim

chant 2

on abîme tout à force de malaxer délacer fouiller bétonner écraser bombarder
on a rien qu’une seule chance, une chose qu’on a oublié trop facilement, une chose qui a quitté la conscience il y a longtemps à cause des mirages de l’argent et de la possession

jusqu’au moment où tout nous revient à la face quand on finit par envisager une infime parcelle de l’infinie beauté du vert ou du bleu de la mer
jusqu’au moment où l’on identifie le paradis sous la main
ce plein de folies, de luxuriances pareilles à une vision
les frissons parcourent notre peau blanche ridée par les pluies et les froids des hivers
on est soufflé on s’effondre, toute cette force harmonique imposée brutalement à nos corps
ça nous retourne d’un coup

bon sang grand temps de se lever se réveiller acclamer applaudir bondir de joie
grand temps d’apprendre à observer et à se reposer auprès des autres bêtes qui, elles, savent déjà

Photographies ©françoise renaud, 26 avril 2025

15 commentaires

  1. Magnifique… On se glisse avec joie dans cette luxuriance végétale si bien décrite et évoquée.

    Merci…

  2. « …le paradis sous la main ». C’est si vrai. Luxuriance de ta langue, aussi, si belle.

  3. Que de couleur, que de vert, toutes nuances, inspirantes.
    Le printemps à nos portes fait sortir les mots. Merci Françoise

  4. Quand on voit cette luxuriance,
    la terre ne mérite pas la maltraitance des enfants trop gâtés que nous sommes.
    Merci Françoise pour les superbes photos, le régal des yeux, et aussi le bonheur de te lire

    • Jacqueline Vincent

      Je me plonge avec délice dans cette marée de couleurs et de verdures que je célèbre tous les matins en regardant l’herbe si verte qu’une pluie nocturne a
      ravivée. Quel bonheur de lire le printemps et de le célébrer par ce texte flamboyant et tes photos qui me font savourer ce soir.. ce mot plein d’extravagance, d’exubérance…
      LUXURIANCE.

    • oui, comme la terre sait les choses d’elle-même depuis toujours sans qu’on le lui indique, cette puissance sauvage
      juste observer son flux…
      merci pour ton passage, Odile

  5. Si beau le titre et la fin, évidente, se reposer auprès des autres bêtes qui elles savent déjà
    Merci pour tout ça et tout le reste

  6. Il est des matins étranges… Je viens te lire juste après avoir lu le blog de Juliette sur le grand dehors. Vos textes se répondent et décuplent l’harmonie de ce que vous nous donnez à voir, à sentir, à toucher. Tu as tellement raison et merci de t’acharner à nous rappeler de mille façons cette « merveille de terre qui s’enrichit du ciel », « le paradis sous la main…

  7. On sent dans les photos cette puissance de la nature « qui sait déjà » (la très belle remarque !), pendant que le texte s’affole, désorienté entre ses passions et ses pulsions.

  8. Sanchez-Rojas

    Magnifique! bises, merci!

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