écrire depuis la racine des prairies

carnet d’installation | 28 avril 2023

| vivre avec le dehors permet d’écrire autrement |

| vivre avec le dehors permet d’écrire depuis des zones non explorées de soi | d’écrire depuis la racine des jardins, depuis les fleurs de pissenlit et les nids tapis dans les hortensias, depuis le pré fleuri qui existe bel et bien, ce pré qui couvre le coteau au-delà de la maison et révèle ces jours-ci sa richesse en graines progressivement poussées attisées épanouies, et même des petits bulbes, et des orchis et des renoncules et des hampes de plantain et des salades amères | écrire depuis le sol jusqu’au ciel en perpétuelle agitation et recomposition | écrire depuis chaque tige élevée par on ne sait quel prodige d’eau et de soleil, sans engrais, juste feuilles mortes, déjections d’oiseaux et poudres de pollen transportées dans l’atmosphère | vivre le dehors avec intensité, ressortir juste avant la nuit pour mieux voir au ras de la prairie avec la lumière horizontale les teintes rouges plus vivaces, le dessin impeccable des feuilles typique de chaque espèce, la cohabitation des genres, la colonisation des espaces, et par-dessus tout ce monde affolant, la couronne des arbres en train de s’épaissir de jour en jour sous la force des sèves |

| écrire depuis le coin des yeux, depuis la racine des cheveux après l’observation minutieuse et le travail obscur du rêve |

| écrire comme on prie comme on supplie pour s’emplir de cette force du pré en métamorphose, la route est encore longue, cette nuit une petite pluie est venue graisser la terre du potager en pleine naissance, l’air est calme et comblé de chants, les bêtes sont à l’œuvre | la prairie bruisse de ses habitants invisibles |

Photographies Françoise Renaud©, Prairie variations, 29 avril 2023

12 commentaires

  1. Oui, tu écris depuis tout cela et en écrivant tu le partages. Recevoir ce que je ne pourrais écrire. Merci, Françoise.

  2. eliane berthelot

    Une véritable ode à la nature Bravo !

  3. Nyiri Pascal

    Visions expressionnistes.
    Douceur revenue.
    Espaces qui t’accueillent avec bienveillance.
    Nombreuses écritures émerveillées à venir.
    A bientôt dans les mots (dans l’émotion.)
    p.

  4. Vous autres , vous êtes toujours là tout proches pour cueillir les fruits déposés le long de ma route,
    vous tous amis de loin de longtemps et de toutes les circonstances…

  5. Ton beau texte m’invite à contempler, à observer avec sagacité tels que tu l’écris, mon entourage sauvage. Et je suis récompensée ! merci belle dame des Fougères !

  6. Bordon Marie-Claire

    Remplies de beauté et de justesse comme d’habitude : ton écriture et tes photos.
    Je vois, je sens, je ressens, je contemple ces merveilles que tu décris si bien et que les ravissantes photos complètent.
    J ai très envie après lecture de me retrouver dans ton nouvel univers et de le découvrir.
    Merci Françoise et félicitations !

  7. Jacqueline Vincent

    Sur mon lit en lecture du soir,  » Dans les prairies étoilées » de Marie Sabine ROGER qui commence ainsi : « Nous venions de trouver la maison depuis six mois à peine, Prune et moi. La Maison… ».
    Merlin est un artiste de BD et il s’applique à réenchanter le monde. Alors, ton texte et tes champs de fleurs sont venus m’envahir d’effluves printanières comme en écho à la beauté d »une nature qui pare également la pelouse de mon jardin que je n’ai toujours pas tondue tant il me plaît dans sa sauvage parure.

  8. Chère Françoise. Tu nous révèles si bien la vie autour de toi, foisonnante, épanouissante un peu plus chaque jour, les plantes de prairie bien sûr mais aussi les insectes qui trouvent leur butin dans les boutons d’or, pissenlits et autres. C’est une période d’explosion … Et puis il y a la lumière changeante à toute heure de la journée et les senteurs au moindre réchauffement de la terre.
    Merci pour ce texte généreux, riche, et pour le partage.

  9. Certains me disent que je semble heureuse en ce nouvel endroit…
    Je ne sais pas si c’est une question de bonheur qui me serait accordé ou que j’aurais subitement trouvé ni une question d’endroit. Il me semble qu’il en serait de même dans n’importe quel lieu où j’aurais choisi de me poser, je chercherai à utiliser mon regard pour découvrir des parcelles de monde insoupçonnées, à me satisfaire ce qui se propose dans le champ de ma vie…
    Je n’ai jamais eu un tempérament heureux, plutôt tourmenté. Et je dois toujours lutter contre la mélancolie et l’angoisse que tout s’achève un jour…
    Écrire ramène à cette possibilité de combattre le dur et de remuer aussi le bon…
    Écrire permet l’émerveillement…

  10. Lydia Conti

    Merci Françoise pour la balade, j’ai frôlé l’herbe de mes pieds et ressenti la douceur de tes mots, l’odeur du végétal, le bruit des insectes et tout ce qui compose cet endroit que tu nous fait partager .

  11. Tu as toujours su, chère Françoise, traduire en mots et en photos les sentiments qu’éveillent en toi ton environnement du moment, qu’il soit rural ou citadin, cévenol ou breton, et maintenant limousin. Ton commentaire est très juste, ce n’est pas tant le lieu qui importe que ta curiosité et ta sensibilité toujours palpitantes pour contourner tes inquiétudes et enchanter tes lecteurs, en toutes saisons… A bientôt !

  12. Marie - Claude Morote

    Comment douter de ta présence attentive dans ce nouvel endroit.. Tu ferais aimer la terre à un citadin qui ne jure que par le béton et l’ambiance polluée des trottoirs jonchés de magasins.
    Besoin de te remplir de la sève qui rend vivant-e avec, sous les yeux, la preuve tangible du miracle de la vie plus forte que l’hiver, qui émerge, comme tu l’écris si bien, des déjections et autres moisissures nécessaires.
    C’ est vrai qu’ici ou là, tes préoccupations restent à l’identique, sans doute plus fines encore avec le sablier qui lâche ses grains imperturbablement.
    Merci de nous emmener dans ton intime accessible avec cette rigueur des mots, l’élagage du superficiel, cette quête du suc qui nourrit de l’essentiel..
    Pour ma part, je ressens toujours ta fragilité malgré la pugnacité à extraire le meilleur du quotidien.
    Oui, écrire nous sauve de l’évaporation du quotidien..

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