carnet d’installation | 29 juillet 2023
D’où me vient ce goût que j’ai pour les fleurs ? quoi, en elles, m’attire ? à quoi j’accède à travers elles ? Pas une histoire de parfum ni de beauté, pas un penchant spécial pour l’exubérance printanière ni une admiration vers leur fol entêtement à investir les terres stériles, pas un émerveillement non plus pour la diversité de leurs matières, rugueuses épineuses veloutées, pas même une passion pour leur grâce ou leur délicatesse. Non. Plutôt le don qu’elles font de leur existence avec leurs volumes leurs couleurs leurs parfums discrets ou affirmés, et puis cet aspect éphémère qui fascine. En fait une histoire simple. Suffit de regarder de près ou de loin, elles sont toujours là quelque part à s’imposer dans le spectacle du monde, à proposer un champ inédit au regard et nous rendre attentifs au vivant à mesure des saisons.
Aux arrangements urbains qui tentent d’équilibrer vert et béton, je préfère les palettes en désordre. J’ai fréquenté en ce début d’été les marges sauvages des champs de céréales comme on parcourt l’estran et les vastes franges du domaine. J’y ai retrouvé des variétés que j’ai connues enfant, quasi disparues à cause de l’usage immodéré des pesticides. Je les aime plus que tout, anthémis bleuet silène coquelicot, dans leurs formes et leurs variétés, dans leur discrétion et leur folie, lin graminée camomille silène, autant de rescapées d’un monde ancien qui avaient cédé du terrain pour un temps face aux tentatives d’évincement des hommes. Bien sûr que j’ai planté quelques sauges, jeté des graines de tournesol zinnia et bien d’autres espèces rustiques qui savent disséminer leurs semences sans retenue. J’en sèmerai davantage l’an prochain, le temps m’a manqué. Quoi qu’il en soit, la nature de ces domaines éloignés des villes a généreusement pourvu mon été en espaces de contemplation simples et inédits, ébauchant les contours de projets de jardins à venir, fluctuant comme une nouvelle ligne de fuite.
Georgia O’Keeffe écrivait : « Nobody sees a flower, really, it is so small. We haven’t time – and to see takes time like to have a friend takes time » / « Personne ne voit une fleur, vraiment, c’est tellement petit. Nous n’avons pas le temps – et voir prend du temps comme avoir un ami prend du temps »
(in About myself, catalogue d’exposition 1939 – traduction de l’autrice)
Photographie Françoise Renaud – au jardin, juillet 2023
Je me souviens de mes promenades le soir en été, après le dîner, avec ma grand mère…nous montions la côte au dessus de la maison. C’était la pleine campagne et les odeurs montaient après la chaleur de l’après midi… je me souviens encore des endroits où nous ramassions le serpolet, le lierre terrestre, le millepertuis…pour les tisanes de l’hiver.
Les plantes c’est toute mon enfance dorée…
c’est fou comme les jardins résonnent avec le mot enfance…
merci ma chère belle pour ce beau bouquet de mots, d’images, de sensations naturelles. J’aime les champs de coquelicots qui sont revenus sur nos routes de campagne. Peut-être que les hommes en avaient besoin et les regrettaient.
Baisers sucrés et parfumés à toi ma belle amie
une fleur, la plus petite vue en balade, dissimulée dans le lierre, elle m’a tiré l’oeil, elle n’est pas banale, elle est là pour moi, elle a son histoire que j’ai essayé d’imaginer, je lui ai parlé. C’est un cadeau.
La reverrais-je à mon prochain passage ? je la chercherai…
Merci Françoise ce texte me ravit.
J’étais tombé sur un poème allemand qui parlait d’une fleur au bord d’une route. Mon allemand n’est pas bon, mais j’aime la poésie de cette langue. Je donnerais cher pour le retrouver. Il est dans une anthologie qui elle même est dans un carton au milieu d’autres cartons dans la cave d’une amie germanophile. « Eine Blume am Straßenrand… »
Je viens de lire ces deux pages de ton Carnet d’Installation.
Je les ai relues aussitôt à Patricia.
Et nous les relisons encore comme pour choisir des mots ici et là que tu nous offres et te dire en retour.
Mais je ne sais faire un bouquet de ces fleurs champêtres.
Je ne sais choisir dans cet éblouissement qui nous saisit l’un ou l’autre passage…
Sensation de l’éphémère… que nous voudrions faire durer.
Relire, relire encore… et te dire notre émotion.
Patricia et Alain
Et moi qui suis victime d’anosmie, j’ai senti par tes mots tout le mélange d’un pot qui n’est pas pourri.
quel magnifique tableau, et quel magnifique récit, tu trouves toujours les mots pour nous attirer sur tous les lieux où tu te trouves!!! c’est pour moi à chaque fois un voyage vers toi!
Merci ma Françoise, pour tous tes partages! Bises Jo
Cette ode à la beauté moi, me ramène à Rimbaud et à ses soirs d’été… Merci Françoise pour ce texte magnifique qui nous emmène sur les chemins du rêve mais aussi sur ces presque riens qui embellissent notre quotidien.
En peinture, le Jardin de Klimt. En poésie, le recueil Émaux et Camées de Théophile Gauthier. En pensée, yeux fermés, l’image de ma grand-mère arrosant en leur parlant ses dahlias qui formaient haie profuse sous la fenêtre de sa chambre au rez-de-chaussée, égayant tous les étés de mon enfance – l’école se terminait au 14 juillet et reprenait le 1er octobre – en même temps que la cour-arrière, domaine des poules et des lapins, de cette maison jurassienne.
Émerveillement intemporel.
Tu nous traduis si bien le tien !
j’adore, photo et questions, se les poser avec toi en caressant l’image des yeux. Tu donnes à voir, tu nourris l’envie de regarder, tu élargis avec des mots. Reconnaissance. Et la question de l’éphémère… C’est revitalisant en plus !
Merci à vous amis, sensibles à ce questionnement et à la présence des fleurs
Grâce à un livre récemment offert par mon amie P., je me replonge dans la vie de Georgia O’Keeffe qui s’est débattue avec les fausses interprétations de ses œuvres…
encore une femme dans le combat pour la beauté !
(en disant cela, je pense aussi à Richarme)