carnet d’installation | 16 août 2023

J’apprends par hasard que la route qui rallie les bourgs alentours sera fermée le 15 août à cause du Tour du Limousin, 56ème édition. Quand bien même je n’ai que peu d’intérêt pour le vélo, je m’en alerte, feuillette la presse, déchiffre les tablettes horaires, imagine me trouver au bon moment au bord des fossés pour regarder la horde passer. Mon voisin, réquisitionné par la commune, doit persuader passants et véhicules de ne pas emprunter la voie à l’inverse des coureurs. On l’a doté d’un tee-shirt rouge vif et d’un panneau rond à agiter si nécessaire. Il en est fier. Il fait bien son travail, en place deux bonnes heures avant le passage de la course. J’avise son petit fourgon vert garé avant le stop. Un des cultivateurs du coin et sa femme lui tiennent compagnie. Je m’avance, on bavarde, on parle du pays, de l’état des sources, du menhir qu’il a sur ses terres. L’homme est infirme, neurones gravement affectés par l’usage d’un certain glyphosate — une chose que j’apprendrai plus tard — et j’ai du mal à comprendre tous ses mots. Ensemble on attend, on regarde la montre, on voit passer des voitures avec gyrophare et des motards de la Gendarmerie nationale, on rit, on s’assoit dans l’herbe du bas-côté, on suit sur le portable le déroulement de la course retransmise sur une chaîne de sport, on sait qu’ils sont à L., ils devraient être là dans dix minutes, oui mais les routes sont si étroites, il y a des chutes, et comme une excitation indéfinissable à se trouver là en train d’attendre un événement de bien peu d’importance qui cependant nous relie, nous les quelques-uns rassemblés pour l’occasion au bout du chemin des Fougères, et quand les voitures du cortège nous klaxonnent, on lève les bras et on s’exclame.

Des quatre hommes en tête, on ne voit que la couleur des maillots. Quelques minutes plus tard déferle le peloton, plus de 120 coureurs à toute allure dans la pente, ils se ressemblent en carrure et en tenue vestimentaire, et à leur suite, la cohorte des voitures d’équipes et de services tandis qu’un hélicoptère survole le serpent de la route vers F. Un certain Romain Grégoire réussit à se faire la malle dans le final et l’emporte. Le lendemain on commentera dans le journal local : « Grosse étape, gros tempo » .

Photographie Françoise Renaud – course cycliste, 15 août 2023

3 commentaires

  1. Brando Alibert Jocelyne

    C’est top les courses de vélo… Tu attends 2 h, pour voir passer les coureurs et en 3mn ils ont déjà disparu. Mais en général c’est dans une bonne ambiance. Bisous

  2. Jacqueline Vincent

    Ton texte, Françoise, m’a réjouie, me ramenant aux bords des routes dans la liesse populaire quêtant une casquette ou autres colifichets, trésors ramenés au bout de longues heures d’attente d’un peloton qui, apparu au milieu des acclamations de voitures et de motos publicitaires, disparaissait en laissant un goût de frustration et un coup de soleil dont la brulure n’arrivait pas à gâcher le plaisir partagé.

  3. Belle leçon, chère Françoise, de comment créer du lien à partir de… rien. S’asseoir ensemble et attendre. Le raconter ensuite, un autre art si bien maîtrisé. Doublement admirative.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.