Premier vendredi de juillet. Une journée chaude. Et c’est Louise Imagine que j’accueille avec joie.
Louise codirige actuellement la revue graphique et littéraire La Piscine. Elle est également directrice de la collection photographique Horizons chez Publie.net.
Je l’ai rencontrée récemment, en chair et en os. À présent je découvre ses ouvrages. Certains titres m’interpellent fortement. Inlands, Blancs. Étranges passerelles jetées soudain entre nous comme des évidences. Posée là, une question qui est aussi la mienne : La poésie, la peinture : que disent-elles, en somme ?
Et puis ses photographies. Travaux souvent exposés (Transphotographiques, rencontres d’Arles) et édités (Blancs, Instant T, La Croisée des Marelles), photographies de plateau, portraits, reportages… tout l’intéresse. L’enfance, les rivages, l’intime… décidément au cœur de notre rencontre.
Nous voici donc réunies à la croisée de l’image et de la poésie, entre énigme et lumière. Nous avons écrit sur un duo de ses photos. Et pour commencer voici son texte.
LE LAC
L’été à peine installé, la pluie l’avait accueilli.
Aucun nuage n’en avait pourtant annoncé la venue.
La journée s’était déroulée chaudement. Une de ces journées claires où l’on prévoit par hasard de se retrouver entre amis au bord du lac.
Nous avions préparé le pique-nique et les bouteilles d’eau, entassé à la va-vite maillots et serviettes dans un grand sac, pris les masques de plongée des petites, la crème solaire en spray — plus facile à étaler. Nous avions marché quelques temps côte à côte, pressées d’arriver, et malgré nos pieds soulevant la poussière, nos têtes déjà naviguaient dans l’eau douce, apaisante, barbotaient aux côtés des algues noires et poissons argentés.
Après avoir quitté la route, nous nous étions engagés sur le chemin caillouteux qui s’élève mollement à flanc de colline pour rejoindre le sentier plus sage et balisé ceinturant le lac.
De là-haut, sous nos pieds, le lac s’ouvrait tel un puits de lumière épousant le ciel.
Le soleil tapait encore fort et nous plissions les yeux. La luminosité se réverbérait sur le sol calcaire. La nature nous livrait sans timidité chaque détail étincelant de sa beauté : vent chaud contre nos peaux dénuées, papillons irisés sur fleurs épanouies, herbes folles aux arômes entêtants, lichens vert-gris sur écorce brute, et plus loin encore, saturant l’air, le calme profond des plans d’eau teintés des cris joyeux des enfants.
Nous croisions les baigneurs de l’après-midi qui rentraient chez eux, alourdis par la nage, cheveux en bataille et joues rougies, sacs trop lourds et pas traînants.
Mais nous, nous arrivions.
Et la journée ronronnait au creux de nos poitrines.
Une fois les affaires posées pêle-mêle sur la grève, nous nous étions éclaboussés pour atténuer la morsure de l’eau sombre — avions pris notre temps pour rentrer peu à peu — avions plongés d’un coup, narines pincées.
Le lac, soudain, nous avait paru à la température idéale… Nous avions lancé le ballon dans l’eau pour s’empresser d’aller le rechercher, baladé les plus petits sur un bateau gonflable. Nous avions nagé jusqu’à l’autre rive puis, après une courte halte, rebroussé chemin. Nous avions fait la planche, perdu un masque de plongée, joué à le retrouver, battu des bras et des palmes pour mimer d’étranges cétacés.
Puis, sur un coin de serviette, nous avions mis eau et nourriture en commun. Et chacun à son rythme était venu picorer.
Au fils du temps, il y eut peut-être un fond d’air un peu plus frais. Une légère teinte vive dans la texture du vent. Les gilets furent sortis du sac, posés consciencieusement sur les épaules agacées des enfants. Puis — sans surprise — ramassés par terre entre les herbes sèches et la poussière, secoués vigoureusement et replacés sur les jeunes insouciants. Nous avions finalement repris peu à peu le chemin du retour. Serviettes rangées et sacs fermés.
Le ciel résonnait d’une harmonie d’ocres, de roses et de dorés.
L’été à peine installé, la pluie l’avait accueilli.
Une pluie chaude et lourde, accompagnée du soir et de sa nuée d’étoiles.
Une pluie imprévisible, impétueuse, à en faire chanter les tuiles de la maison.
Le printemps s’est enfui, dilué dans la plus douce des mélodies. Aucun nuage n’en avait pourtant annoncé la venue…
Mon texte Le lac est à retrouver chez elle.
Photographies ©Louise Imagine
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Les Vases communicants se déroulent le premier vendredi du mois depuis juillet 2009, à l’initiative de François Bon et Jérôme Denis. Marie-Noëlle Bertrand coordonne les publications et inscrit les futurs échanges sur le blog associé le rendez-vous des vases. Il existe aussi une page Facebook. Aux blogueurs de se définir un thème, d’associer des images ou du son à leur texte, l’idée étant d’aller écrire sur le blog de l’autre.
Agréable cette ballade et baignade, c’est rafraîchissant!
les mots accompagnent l’image, c’est léger, agréable, on se sent présent dans ce décor de nature et ça fait du bien
Merci Lydia,
J’espère que ce texte vous aura fait partager la légèreté de cette fin d’après-midi !
Mieux que du Lamartine… (mais faisait-il de la photographie ?)
Nos lacs partagent leur eaux-miroir qui vibrent de lumière…
Peut-être Lamartine n’utilisait-il pas la pellicule, mais ses mots rayonnaient de lueurs plus intenses, encore.
Et un grand merci à vous, Dominique…
Quelques enfants, un lac, les beaux jours, un quelque chose d’idyllique et peut-être passé.
un lac dans un paysage de garrigue transfiguré
On y est… Quelle belle après-midi tous ensemble… poésie de l’écriture et de l’aventure d’une sortie au lac… j’aime !