carnet d’installation | 1er octobre 2023
La plupart des végétaux sont parvenus à maturité en ce début d’automne. Temps de rassembler les graines, quelque chose qu’on ressent, non pas dicté par le calendrier mais par le sang. Le jardin encore beau m’en donne envie et je m’y applique avec le sentiment d’aider la nature. Les ressources sont nombreuses à travers le domaine et puis quelle belle idée que de les partager en offrant une enveloppe pleine de graines. Un ami justement m’a passé commande de coquelicots. Ils ont totalement déserté son jardin et même son quartier et les bords de chemin de sa petite ville, et il les pleure. J’ai préparé de grandes feuilles de soie collées et agrafées sur les côtés, sorte de sacs bien doux pour envelopper les bouquets. Ils sécheront à l’abri tranquillement, abandonneront leurs semences au fond des sacs le moment venu. J’évite la rosée du matin, sélectionne les tiges aux inflorescences désormais brunes et décoiffées, suffisamment mûries. Je confectionne aussi d’autres bouquets pour les pendre têtes en bas à une branche d’arbre ou les accrocher à un tuteur au milieu des parcelles du potager. Les graines s’échapperont à leur gré et trouveront refuge là où elles voudront, splendide diversité apte à se répandre plus loin dans le jardin jusqu’en lisière des taillis.
tanaisie flocon d’or, fenouil odorant,
épilobe (première plante à repousser après le feu),
scabieuse, centaurée à fleurs mauves prisée par les abeilles en lisière de bois, origan avec ses pieds au sec,
bien sûr éternel coquelicot, molène pubescente à cinq pétales dite bouillon blanc, digitale pourpre, coque lourde,
et bien d’autres… je suis bien loin d’en tenir le compte mais leurs noms rassemblés là constituent un poème à portée de bouche, à portée de main qui se fraie un chemin à travers les tiges et les parfums comme à travers les mots. La conquête indisciplinée des allées talus bords de chemin commencera au printemps prochain. En attendant je goûte ce poème et ce geste de recueillir les semences, les croyant tous les deux capables de préserver certaines espèces sauvages de la disparition.
Photographies, ©Françoise Renaud – au jardin, 30 septembre 2023
eh oui il te faut bien ramasser toutes tes graines qui vont te donner une magnifique récolte la saison prochaine !
je me souviens de la fierté de mon papa lorsque l’année suivante il voyait ses légumes sortir de terre grâce aux graines ramassées et bien mises à l’abri durant l’hiver.
C’est magnifique !
Qu’ajouter ? Sinon s’inspirer de ta dévotion – en sa définition païenne, attachement viscéral – à la Nature et la faire nôtre. Le papier de soie, oui, la delicatesse, compagne de la tendresse….
quel terme magnifique et approprié que celui de « dévotion païenne » qui vient résonner avec « attachement » et « viscéral », des mots que je reconnais comme miens…
toujours ta délicatesse à toi aussi, chère Chris
Oui, beaucoup aimé votre commentaire.
« Les Simples » de nos Ancêtres plantes aromatiques et médicinales mais aussi les fleurs des champs, coquelicots et colchiques, en cette fin d’été viennent embaumer mon jardin personnel, corolles au vent et senteurs envoûtantes d’un poème qui te ressemble en cette journée tout en douceur, comme les mots que tu nous offres.
Jacqueline.
à chaque fois une idée germe de mon nouveau décor, paysage, maison, jardin, oiseaux, ciels, et cette fois les graines m’ont sauté au visage, elles sont si présentes, prêtes à se répandre dans la matière à nos pieds…
Ton texte, c’est la continuité du monde, l’éternel recommencement. Et puis,on y sent, en bonus, l’odeur âcre des feuilles tombées encore un peu humides et que l’on brûle en tas, et qui se consument lentement.
tu ramènes à mes narines d’odeur âcre du feu qui prend aux feuilles mortes, un peu humides en dessous… je vois même la fourche qui les remue…
des images qui nous appartiennent à nous tous…
merci Den
c’est un tableau que tu nous offres, celui d’une petite fille qui collecte, sous « le regard de son père », les graines de son jardin tant aimé.
Quelle émotion, sachant que cette petite graine, c’est lui qui l’a semée.
c’est vrai qu’enfant j’aimais bien collectionner des petites choses comme des queues de haricots, des coquillages ou des graines…
tu me ramènes à tout cela…
Toucher par procuration à te lire, effleurer nature, soie et graines, toute cette délicatesse du monde que tes mots colportent sans trahir pour venir jusqu’à nous. Caresser encore du regard les photos pour ce qui ne me parle pas distinctement même si leurs noms sont magnifiques et c’est comme une myopie que tu rectifierais. Merci, chère Françoise.
Tu es un oiseau rare.. Celui qui se nourrit de la terre et laisse tomber ce qu’il faut pour redonner vie au printemps nouveau. Si l’on pouvait prendre exemple, si l’on savait comme toi aimer autant ces espaces naturels, le monde deviendrait autre, comme on en rêve parfois. Je fais partie de celles et ceux qui pensent que chaque intention portée par l’amour s’avère inestimable.. Et bien souvent cela se fait dans l’anonymat, la discrétion, l’humilité..
tellement évident pour moi que d’ouvrir les yeux sur ce monde d’une ampleur magnifique, d’aimer à travers lui, de laisser la sève nous remplir et nous traverser
chère Marie-Claude, ce partage dont tu ne peux te passer toi non plus…