Les « épisodes cévenols » font partie de ma vie depuis que je vis dans la vallée de la Vis, au contact de la plaine languedocienne. Les nuages remontés de la Méditerranée viennent se répandre sur les piémonts en automne, ce qui les rend magnifiques, fougueux en végétal, à l’opposé des garrigues de l’autre côté de la Séranne. En contrepartie il faut traverser ces zones incertaines de jour de nuit avec flots drus de pluie se déversant sans discontinuer sur les petites vallées, les engorgeant, saturant la terre des jardins suspendus, bousculant ravageant les berges, refaçonnant le paysage, nous percutant jusqu’à installer dans le ventre une légère douleur, jusqu’à insuffler au cœur une sorte d’humilité face au monde vivant hurlant tout-puissant, hors de contrôle. Et on ne sait rien du temps que ça va prendre pour qu’une vie plus normale revienne.
Les heures de nuit sont les plus difficiles — du moins pour moi. Le mugissement de l’eau domine la plainte des arbres et il n’y a plus de ciel plus d’étoiles pour atténuer l’inquiétude. Le corps ne peut reposer dans le lit. Il est attentif à tous les bruits, rumeurs, rafales de vent, fouetté des averses sur la vitre. En même temps cette sensation unique de participer à une expérience de voyage, traversée d’une île exotique ou d’une région inexplorée qui met en péril et bouleverse toute certitude –même celle d’être vivant.
Ensuite tout est lavé changé. Plus de poussières d’été, fleurs d’arrière-saison ébouriffées. J’aime les saisir ainsi, frimousses froissées contre palettes de feuilles tombées fauve or mauve et vert grillé.
Photos et vidéo, Françoise Renaud, 30 oct 2021
« -… bouleverse toute certitude, même celle d’être vivant »… –
Quelle phrase puissante qui plante là notre survie dans L’humilité…
Je reçois les frissons de l’inquiétude tout autant que cette fascination tacite face à l’inconnu dont tu décrits si bien les échos en cascades… « Animaux- humains » dans nos terroirs à la merci d’une folie des quatre éléments fondamentaux.. Trouver en soi l’île insubmersible… Est ce possible ?
Besoin d’humanité, de fraternité, de partage, de courage… et de mots…
Fortes pensées portées par les nuages d’ ici vers toi en particulier et vers les autres, le ventre en pare-battage contre la peur..
Un texte beau inquiétant tellement raccord avec l’actualité, le bruit des moteurs du rallye n’arrive pas à couvrir le meuglement de la rivière. A la lecture, je sens l’humidité!
Géographe ou philosophe.
Poète, je te vois dans la nuit comme Duras face au Pacifique !
Plaisir toujours intense à te lire.
Françoise tu décris à merveille ce que j’ai ressenti cette nuit. Pourtant étant d’ici je devrais y être habituée, mais non c’est toujours la même impression d’impuissance face aux éléments. Merci Françoise
Bien sûr, je ressens l’inquiétude latente devant la furie des eaux…Mais pour moi qui aime tant l’automne, je sens les odeurs et vois les couleurs au petit matin où les plantes lavées, ébouriffées s’égaient après l’orage… Et tes photos sont si belles qu’elles gomment très vite l’angoisse du ruisseau tumultueux. Le lever du jour ramène la vie et chasse les peurs n’est ce pas ? Jacqueline.
De là où je suis, si peu loin en définitive, j’entends la pluie qui tombe sans discontinuer et je pense à toi, évidemment. La nature est belle, aussi par sa violence. Courage…
A te lire, j’ai le sentiment qu’il y a des arrêts, une inquiétude, des insomnies qui font du bien. Pareil au tableau noir du professeur qu’on efface à la fin du cours, la nature prépare sa renaissance.
C’est beau ce que tu écris Françoise. Tu nous fais partager la fureur de cet épisode Cévenol qui à chaque fois provoque peurs et angoisses nocturnes et que pourtant tu sublimes par la description de la nature qui comme lavée, renaît et semble différente, mais plus belle encore.
Bises savoyardes.
Nicolle.
Texte et bruit magnifiques. Décrire jusqu’à faire ressentir, ce talent que tu as.
Comme il est réconfortant — et apaisant — de récolter vos mots qui font écho aux sensations fortes éprouvées ces dernières heures, rebondissent sur les miens comme au cœur d’une cascade sauvage…
Je vous remercie d’avoir pris ce temps de lire, de voir, d’écouter (encore ce matin la rumeur forte du torrent)
Encore un épisode cévenol ….qui apporte avec lui la cohorte des souvenirs douloureux des épisodes passés….. il faut s’y faire…mais s’y fait-on jamais……?
On sait bien que la nature commande et peut se montrer la plus forte à tout moment …pourtant elle est si belle…..
Bonne journée à l’abri Francoise…. bisous!
Humidité, humilité devant la nature toujours présente. C’est la saison et chaque année c’est pareil même si tu redoutes en même temps que tu admires, paradoxe.
J’aime beaucoup ressentir tes fleurs qui s’ébouriffent , dernier sursaut avant l’hiver pour préparer un resplendissant printemps où tout renaîtra.