carnet d’installation | 28 février 2023
Je m’en suis déjà retournée vers mes champs et mes petites forêts — si je m’autorise l’usage du possessif, c’est bien qu’une part d’eux m’appartient déjà un tout petit peu, du moins à mon imaginaire — et ce matin après le lever du volet, la lumière est apparue très progressivement, on aurait dit que quelqu’un l’activait délicatement à partir d’un bouton de console. Ensuite il y a eu de longues bandes de nuages blancs en couches superposées jusqu’en haut du ciel, répandant une douce incandescence. J’observe encore le mouvement quasi reptilien des nuées depuis la chambre, toute occupée par la lumière, avant de redessiner le domaine à partir du grand châtaignier, impressionnante silhouette dépouillée dont j’attends le repeuplement en bourgeons et en oiseaux. À son pied, ce vieux clapier délabré qui servira de range-outils une fois retapé — suis bien incapable d’élever des lapins pour les tuer quand bien même la famine se serait développée sur nos terres, je préférerais manger des racines, m’accrochant à mon insatiable volonté d’exister autrement. Le futur potager est encore en herbe jusqu’à la maison, l’hiver n’est pas fini, et la butte où gambadait la biche il y a une poignée de jours est dure de gel. Depuis le châtaignier, je rejoins en pensée les bâtiments par derrière, visualise le fil à linge et les petits monticules de terre brune éjectée en fin d’été par des taupes en transit, accomplis une boucle du côté des genêts poussés en désordre, jette un œil à la ferme voisine derrière le rideau d’arbres avant de redescendre par le chemin aux hortensias brûlés jusqu’à la terrasse déserte. Sans doute ai-je réajusté intérieurement mon appréhension des surfaces, car désormais quelques hectares me paraissent bien nécessaires autour d’un lieu de vie pour se sentir en accord avec quelque chose de l’ordre de la nature, accéder à son grand labyrinthe sitôt franchi le porche de la demeure.
Photographie Françoise Renaud© – 2023
Comme toujours, un texte en évocation et qui coule… qui coule. Bref, c’est tout beau !
l’écriture est comme de l’eau
si ça ne coule pas c’est que ça heurte et ça ne peut pas aller comme ça… une seule solution : reprendre, retravailler encore jusqu’à ce que du fluide s’intercale entre les mots sans virgules et sans points, et même sans ponctuation du tout, un sacré bon test pour savoir si l’écriture est bonne…
Quel bonheur de te lire Françoise et de ressentir ce que tu écris !
Je ressens tes états d’âme avec ton nouvel environnement, c’est plein d’espoir, c’est très beau !!
J’ai hâte de connaître la suite avec l’arrivée du printemps et la découverte de ton domaine !
un bien grand plaisir de te lire en ce lieu, en cette page… et réconfort de te savoir me lisant…
si important d’écrire pour quelques-uns et de tenter de restituer quelque chose de ce qui passe en réel pour mieux percevoir, mieux vivre, mieux aimer…
merci Marie Claire et à te retrouver encore de diverses façons !
Tes textes sont toujours aussi magnifiques, lorsque je te lis j’ai l’impression d’être auprès de toi, tu me donnes l’envie de connaître la suite
tu as l’air d’avoir trouvé le lieu idéal pour t’épanouir pleinement, toi qui es si proche de la nature et des éléments.
Merci ma Françoise pour ce beau voyage que tu nous fais partager.
Aujourd’hui, avec tes mots, il y a ici comme air de bonheur avec cette petite musique venue de l’enfance : on dirait que… On dirait que je t’ai rejointe pour cette promenade matinale entre l’étendage où flotterait un drap de lin sorti d’une vieille armoire vermoulue au clapier déserté envahi par le lierre et les ronces. On dirait que, et le tableau se précise, que bras dessus bras dessous, par les chemins nous irions… riant et déclamant en ce début de printemps les vers printaniers de Rimbaud… Jacqueline.
mais oui alors, je t’attendrais bien pour fêter le printemps…
on ferait un sacré beau duo !
La lumière – les nuages – le vieux clapier – le futur potager – le fil à linge – oui, ton imaginaire a bien fonctionné, c’est de cette façon que tu prends possession de l’endroit et y projette ton avenir. On t’y sent heureuse.
Heureuse, je ne sais pas… j’essaie et m’applique à y dénicher le meilleur en vie et en écriture… quoi faire d’autre puisque nous sommes vivants ?
Retour en terres à découvrir mieux encore, avec un regard imaginatif, constructif, à installer davantage dans l’habitude du lieu choisi, fort heureusement, coup de cœur. Un choix qui devrait satisfaire des besoins profonds . Je t’imagine en ce grand lieu, sans trop savoir encore tout de même ce qui te sera réservé, protégée des brouhahas citadins..
L’écriture reste ta meilleure alliée..
c’est exactement ça… je ne sais rien encore
mais qui sait ce qui lui sera réservé quel que soit le contexte ? et personne pour nous rassurer… il n’y a que nous-même
et ta phrase « L’écriture reste ta meilleure alliée » résonne en moi très profondément
… exactement ça…
On sent que tu commences à apprivoiser ce large espace, il nourrit tes pensées dès ton réveil…Moi, ça me faisait un peu peur, ce changement si radical, tu l’as sûrement senti… Ta silhouette, dans cette immensité que tu arpentes selon l’humeur du moment, je la suis dans sa déambulation, encore craintive, le froid de la saison, sans doute…Tes mots sont toujours aussi beaux pour nous faire partager en fluidité ta proximité de cœur avec la nature. Merci Françoise !
pour l’instant ma silhouette demeure assez rapprochée de la maison comme d’un soleil…
je m’aventure assez peu, ça va venir quand le temps sera plus propice, quand les fleurs occuperont les prairies…
Merveille de mots glanés dans la nature – aussi belle que ton écriture…
Mon châtaignier ici peine à reprendre vie après la sécheresse de l’été dernier… lui savoir un grand frère vaillant dans ton domaine me redonne foi en son destin…
Et te lire est si doux… merci Françoise ✨
doux aussi pour moi de recevoir ta visite…