coin du feu

Hier matin. Ouvrant les yeux.
On ne voit pas le jour comme d’habitude qui filtre entre les rideaux. On sent quelque chose de différent. Le réveil n’indique plus l’heure. Grand silence en dehors de la rumeur de rivière.

Il y a que la neige est tombée en abondance depuis le milieu de la nuit.  Dix centimètres au moins. Comme dans les histoires qu’on raconte aux enfants. Et tout est changé. Plus rien ne marche dans la maison, une ligne électrique a dû être endommagée par la chute d’une branche ou d’un arbre entier. Plus rien ne marche, il faut s’organiser. Dégager l’escalier pour ne pas tomber, éviter de se casser une jambe, atteindre le bûcher. Revenir avec tout ce qu’il faut pour lancer un feu. Au plus vite. Le nourrir. Le feu est une nécessité au cœur de la blancheur. Le feu est à la fois lumière et chaleur. Le grand poêle émaillé couleur majolique devient un petit coin très actif, centre de la maison et du quotidien capable de répondre à nos besoins, si évidents ce matin-là.

Bouilloire pour faire du thé — environ deux heures pour avoir de l’eau suffisamment chaude. Gants mis à sécher — trempés à cause du déblayage de la neige. Bottes aussi. Bientôt légumes dans une marmite en prévision d’une soupe, ce sera toujours ça. Qui sait quand ça reviendra. Au moins on pourra manger chaud. Les fauteuils sont disposés au plus près pour assister au jeu des flammes. Plus on s’en éloigne, plus il fait sombre et froid. On reste là, dans le coin, près du poêle.

Au fond, rien qu’un voile de cristaux tombés du ciel qu’on appelle neige enrobant les objets, les fossés, les murs, les poulaillers, les maisons, les routes, les arbres — le mimosa en face était presque fleuri. Et d’un coup tout est changé. Pas seulement le paysage et nos habitudes, mais aussi le corps et la tête.

La jeune chatte qui n’a jamais vu ça de sa petite existence de chat, s’agite et miaule. Elle est inquiète. Je l’enroule dans une couverture douce, elle se laisse faire. Ne t’inquiète pas, demain ou après-demain le blanc sera déjà dissout dans la terre. Et on les reverra, les têtes de chou, et les salades toutes rabougries.

Photographie, Chantal Bossard,  26 janvier 2017

10 commentaires

  1. C’est beau, comme toujours ce que tu écris, la blancheur valait bien un joli texte. On est toujours surpris lorsque notre environnement change et tu as su profiter de cette transformation pour nous la faire partager.

  2. françoise toursel

    la nature impose sa loi….. il faut faire avec. Mais votre maison connaît bien la chanson et le poêle ronronne sous votre toit. Je pense à tous ces malheureux sans abri qui doivent affronter les éléments et survivre comme ils peuvent…

  3. Dominique VILLAIN

    Et oui le froid, la neige, bien au chaud derrière les carreaux au coin du poêle… chanceux que nous sommes
    Merci chère Françoise

  4. Il faisait si froid dans ma vie, auprès d’un poêle à bois, nous passions les nuits à dessiner.

  5. Christian Saltel

    Le manteau de neige , qui semble douillet vu par la fenêtre, me renvoie à mon enfance. Les jeux glaçant les mains dans un engourdissement douloureux et qui brûleront tout à l’heure lorsque nous rentrerons, appelés par notre mère, soucieuse de notre santé.
    Et, le coin du feu, petite îlot de chaleur et parfois de bonheur comme ce soir chez Betty et Raymond où nous évoquions les beautés de la littérature en se chauffant devant un feu en cercle restreint, une sorte de communion, un état de grâce profane.
    J’aime tout ce qui isole, la neige, la pluie, le coin du feu, ce qui est propice à la méditation.
    Merci Françoise.

  6. jacqueline de Saint Jean de Maurienne.

    Le monde à l’envers… avec un Sud dans la neige… et une Savoie au sec !!! Mais qu’importe la folie d’une nature capricieuse puisqu’elle nous donne l’occasion de lire ton texte qui réchauffe nos corps et nos coeurs aux flammes d’un feu de bois nourri de poésie.

    Et comme c’est bon et rassurant cette caresse… j’en ronronne d’aise !!! Jacqueline.

  7. Chère Françoise,
    Tes textes ouatés de blanc ont la grâce agreste du monde ! Pour accompagner Coin du feu, voici un court poème de René Char (publication : Loin de nos cendres. 1926-1982)

    BLANCHE, MA SAVETIERE
    Neige d’octobre vole avec son ombre,
    Nuée de novembre à l’aube rend l’âme,
    Blanche de décembre fait briller la cendre,
    A neige de janvier rouge tablier.
    Gronde notre coeur au givre des rois,
    La Licorne blanche, de frayeur s’abat !

    Tendrous bisous,
    Marie-Lydie

  8. Jolie petite visite guidée de Saint Laurent… avec comme fil conducteur,la poésie..
    Mieux qu’une alerte météo.
    Avec le retour de l’électricité, enfin, chaleur et connection.
    A bientôt.

  9. « Les fauteuils sont disposés au plus près pour assister au jeu des flammes. Plus on s’en éloigne, plus il fait sombre et froid. On reste là, dans le coin, près du poêle. » Comme j’aime cette scène… Je la trouve rassurante et douce. Le monde reprend vie à cet endroit.

  10. Ma toute belle, je viens de te l’écrire dans un mail, mais tu as là un goût de Maurienne…. passager pour toi, plus long pour nous. Je suis plutôt aimante des saisons intermédiaires, printemps automne, et la neige présente trop d’inconvénients : verglas, glissades et chutes plus souvent quand on vieillit, car l’équilibre et les réflexes ne sont plus les mêmes.
    Mais je pense que c’est fini pour cette année chez nous dans la vallée… ouf !!
    J’ai hâte de réchauffer mes os au soleil de mars avril mai juin.
    La photo est belle. JE t’aime

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