atelier d’été de François Bon « CONSTRUIRE UNE VILLE AVEC DES MOTS » : après un cycle d’ouverture » UN RETOUR », débute ici le cycle 2 intitulé FLOTTEMENTS, RENVERSES
Tout près, dans une rue du vieux centre, une vitrine pas bien large, pas bien alléchante vue comme ça. Rien que pour les connaisseurs, les amateurs de papier, les collectionneurs, les fauchés qui aiment trop les livres, les amoureux des formats poche, les feuilleteurs de revues, les amateurs de livres d’art trop lourds trop chers à consulter sur place. Vitrine discrète d’environ cinq mètres de large, pas plus. En enseigne un nom propre : sûrement le nom du premier propriétaire décédé, remplacé par son fils, voire son petit-fils, ou alors lieu cédé à un passionné du même genre. Pas d’horaires d’ouverture. On passe devant. Si le rideau est levé, on entre. La porte à se faufiler.
Au milieu du fatras un homme au teint pâle, cheveux frisés, habits classiques. Accoudé à une table il est plongé dans un livre ou manipule des dossiers. Silence, pas de musique, rien que craquements d’étagères franchement trop chargées. Couche de poussière conséquente – impossible à éradiquer. Et puis toujours quelques clients habitués qui fouinent sans faire de bruit.
On ne les remarque pas tout de suite. On tourne autour des piles d’ouvrages en équilibre, on a peur que tout s’effondre et on serre ses coudes au plus près du corps. On s’excuse si jamais on doit se croiser au milieu d’un même rayon. On lit les étiquettes au-dessus des étagères : histoire régionale, peinture, romans policiers. Quand on a quelque chose de précis à demander, un titre, un auteur, on dérange l’homme qui lit. On ose à peine, on murmure. Selon le sujet il peut se montrer intarissable. Il sait parler de livres mais aussi des peintres d’ici (ceux qui ont marqué l’histoire ou non), des galeries, des collections précieuses. Au fait quand vous trouverez des romans japonais, vous pourrez me les garder ? Oh s’il-vous-plaît ! Regardez là, juste en bas, oui là. Oreiller d’herbes. Prenez-le, je vous fais un tout petit prix. On est tellement contents d’avoir trouvé un trésor.
atelier d’été tiers Livre « Construire une ville avec des mots »
La proposition d’écriture (en 20 minutes) : choisir, quelque part dans la ville, une de ces petites bulles d’intérieur qui sont aussi des espaces publics, et la faire exister telle quelle, comme nous la vivons tous…
Photographie Françoise Renaud, juin 2018
j’ai connu ce genre de « librairie » aux Vans, on aime s’y perdre !
Le bonheur de mon été… trouver des trésors enfouis dans les cavernes d’Ali Baba perdues dans les ruelles d’une Ville… Des mots à cueillir sans impatience sous l’œil du libraire, gardien silencieux mais vigilant des ouvrages en attente d’acheteur…Et il ne les laisse pas partir comme ça… mais seulement pour ce passionné où il reconnaît la petite flamme qui brille dans l’œil émerveillé du futur propriétaire… Connivence amoureuse des mots cachés dans des lieux improbables. Peux- tu me dire où je peux trouver « Oreiller d’herbes »? Merci. Jacqueline.
Oreiller d’herbe existe en Picquier poche, nouvelle traduction avec de belles illustrations aux couleurs soyeuses.
Oreiller d’herbes (ou le voyage poétique) de Natsumé Sôseki (1867-1916). Un livre singulier, japonais…
Une petite citation au passage…
« A peine a-t-elle murmuré que déjà ils ont disparu. Un printemps puis un autre sur le chemin tranquille et solitaire, passé et présent, dans ce hameau jonché de pétales de fleurs de cerisiers au point que le pied ne peut se poser sans les fouler, depuis combien d’années cette vieille femme compte-t-elle les chevaux qui passent, combien d’années ont passé sur ses cheveux devenus blancs ? »
Chanson du cocher
Passent les printemps
Sur les cheveux toujours plus blancs
(il est réédité chez Rivages Poche)
Oui vivent les libraires et les découvertes que nous faisons grâce à eux. Moments d’intimité, moments volés et personnages souvent hors du commun, tout ce que l’on retrouve dans ce petit polaroid littéraire… Merci
Comment résister , même si la vitrine est étroite, à entrer chez un libraire.
Très beau texte Françoise . C’est comme si on y était entré, nous parcourons les rayons de livres et ceux présentés sous l’oeil du libraire, toujours prêt à nous conseiller.
…même si nous avions une idée au départ ou simplement pour le plaisir de découvrir la magie des mots.
oui, on y est, les odeurs, les bruissement sont palpables, on se voit « s’emparer d’un livre », le feuilleter, le poser, en prendre un autre..toute la magie des vieilles librairies …
les vielles librairies ont un charme et une odeur que n’égaleront jamais les supermarchés du livre. Ces endroits hors du temps et la personnalité du maître des lieux nous immergent dans un monde de mystères et de rêveries propre à favoriser l’évasion et l’envie de voyage.