pluie sur la vallée

je tournais comme un lion en cage depuis hier à cause de la pluie forte qui tombe sur nous, il était temps que je m’équipe et que je sorte

j’ai respiré l’odeur de la pluie et de la brume, les assemblages des branches d’hiver, j’ai marché dans les flaques qui occupaient tout le sentier, j’ai pénétré les petits jardins muets, pas rencontré d’oiseaux ni personne, la nuit est tombée maintenant et je goûte aux images avec en arrière-plan la rumeur toujours rageuse de l’eau






Photographies : Françoise Renaud, 15 décembre 2020

brume

On dirait bien que le temps nous marche dessus.

Aujourd’hui la lumière est épaisse à cause de la brume qui rampe sous des masses considérables de nuages                    brume tenace constituée de milliards de gouttelettes en suspension qui aiment s’agglutiner s’effilocher participer à la patine des objets demeurés au jardin (arrosoirs cabossés, pots en terre, rampes et barrières) réveiller les mousses entre les pierres                      brume qui se meut l’air de rien et se répand dans les creux les vallons où personne ne va, s’accroche aux troncs d’arbres dressés et aux rochers des collines et aux tiges mortes des haricots, fabrique des perles à la surface des feuilles de chou                        quelque chose de la vie se suspend                            on pense aux bêtes blessées par les chasseurs même si on n’entend pas leurs cris, on pense aux oiseaux qui nichent tant bien que mal, on pourrait presque oublier le reste du monde en proie au désordre et on est comme soudain relié aux craquements profonds de l’écorce à la surface de laquelle se déplacent nos corps physiques pour aller on ne sait où au gré des heures permises, prémisses de tremblement de terre ou autre catastrophe à laquelle il serait impossible d’échapper                    on pense aux bêtes et à leurs cris et à leurs blessures — on sait qu’elles se cachent et tentent seules de se guérir —, on pourrait oublier toutes les pages de l’histoire qui précèdent celle-ci, page de ce jour de novembre enserré par la brume exsudée du flot abondant des rivières et de l’air, et d’ailleurs on oublie.

La terre craque, s’ébranle. On l’entend la nuit parfois quand on se retourne dans le sommeil.

Et tu penses au soleil. Aux envols d’oiseaux. Aux perles sur les feuilles de chou qui étincellent comme des perles.

 

Photographies : Sud Cévennes, Françoise Renaud, 10 et 30 novembre 2020

marcher regarder

marcher au voisinage de la rivière dans le fouillis des arbres

le matin est clair et doux aux corps qui se fraient un passage non sans mal à travers des fourrés de fragon piquant qui a pris ses aises tout en portant de l’attention aux pierres qui roulent, aux mousses qui glissent, au bruit de l’eau
le chemin n’est pas entretenu
humains absents, traces d’animaux sauvages

il y a des troncs en fouillis, quantité de bois mort, quelques murs éboulés à cause des pluies récentes, un pont depuis longtemps assailli par les crues, des ruines de bâtiments miniers (on dirait un monument précolombien déchu), et toujours le courant d’eau turquoise à nos côtés, et puis bientôt quitter les rives pour bifurquer vers la montagne par un raidillon étroit mal dégagé et fortement creusé par l’eau, longtemps ne pas savoir si c’est la bonne direction jusqu’à voir le ciel réapparaître au cœur du végétal, alors tout change vite, allée forestière au milieu de hauts pins, encore marcher jusqu’à atteindre les premiers domaines habités

 

 

Photographies :  françoise renaud, 30 novembre 2019

 

falaise sans fin (9)

bona_pierre

Le bougre. Il les tenait en joue.
Pas question de faire les idiots. Seulement montrer sa bonne volonté, donner l’impression de se soumettre en attendant de savoir de quoi il retournait exactement.

 

Parvenu à leur voisinage, il s’était mis à décrire autour d’eux une sorte de cercle, pas à pas, tout en les dévisageant dans le détail. En même temps il grimaçait, tordait sa bouche. Pour sûr il se méfiait des étrangers et il n’était pas prêt à s’en laisser conter. Mais tant qu’il les tenait sous la pointe de son arme et qu’il les obligeait à baisser le regard, il était tranquille. Il respirait leurs odeurs. Mais on sentait chez lui une certaine dose d’hésitation. Parce qu’il se demandait d’où ces types-là pouvaient bien venir, fagotés comme ça, avec de drôles de couteaux à la ceinture et des outres fabriqués d’une façon qu’il ne connaissait pas.
Bientôt il commença à les frapper à l’épaule avec le canon de l’arme et, tout en poussant des grognements, il entreprit de les diriger vers l’homme blessé.
Ils obéirent. Continue reading →