Premier potager, premières bagarres avec la terre pour y faire pousser des légumes. Des fleurs aussi : soucis, dahlias et capucines.
Après ce qu’elle a connu, il a fallu en effet batailler. La remonter par endroits, la niveler, la remuer, la bousculer, la trier, en extraire des cailloux gros comme le poing en quantité, des bouts de ferraille, des tessons de faïence, des lambeaux de sacs plastiques ou de clôtures saisis dans le flot des limons, enfouis tels des matériaux archéologiques. Et puis la biner, la ratisser pour la rendre belle, juste compromis entre matière et légèreté, pour accueillir les plants et les graines de saison.
Pas commencer trop tôt par ici, on m’avait conseillé. Jusqu’en mai il peut encore geler.
Je me revois il y a quelques semaines,
presque à plat ventre.
Si quelqu’un était passé sur le chemin, touriste ou homme du cru, il aurait pu se demander ce que j’étais en train de fabriquer. Mais il faut bien se rend compte qu’une fois assis au sol pour ménager son dos − douloureux −, il faut allonger les bras pour élargir sa zone de travail et ne rien perdre en efficacité, du coup le corps aussi s’allonge et rampe et on se retrouve à son contact à la brasser, quasi allongé sur elle. Comme s’il fallait se tenir au plus près, au plus serré pour la rendre docile. Comme s’il fallait l’embrasser, lui murmurer qu’on l’aime afin qu’elle réinvente les merveilles des jardins anciens disparus − pas une petite affaire quand on sait que là était l’épicentre de la catastrophe dont on n’a pas fini de parler, un besoin compréhensible pour nous tous qui étions pris au piège et qui vivons le printemps comme une renaissance.
Ainsi je l’ai cajolée à l’intuition.
Pour la faire mienne, pour l’habiter en vrai. Pas seulement en être propriétaire sur le papier, mais en devenir son hôte à travers les attentions quotidiennes que je lui porte et qu’elle me rendra en nature : tomates juteuses, fleurs de courgette en beignets, salade croquante ornée de fleurs de capucines.
Et tout ça, à déguster bientôt.
Photographie : ©Françoise Renaud, juin 2015
Archéologie ultra contemporaine. On continue ! Et en effet tes tomates seront délicieuses.
infatigable jardinière des mots et des fleurs tu enchantes en toutes saisons, soleil neige ou primevères tu renais et donne à foison
La terre mère, on y retournera tous mais elle est aussi la vie
Vie avec les saisons, le printemps bourgeonnant, l’automne mordoré
La terre qui salit les mains, fait souffrir le dos apporte aussi le repos, l’épanouissement et une certaine plénitude
Fruits et légumes fleurs, le jardin est un tableau éphémère
Composition variant au fil des saisons, des années, jamais indifférente
Source d’inspiration d’émerveillement et de rêverie, renaissance
Le jardin est un miroir où perce la personnalité du jardinier, ordonné ou folâtre ou les deux à la fois
ma belle, tu sais si bien parler de ta complicité avec la nature imprévisible et pourtant si amie avec toi quand tu la travailles pour qu’elle te donne ses trésors.
Comme elle, tu es la terre, l’eau, le vent et le feu. Tu es tout cela et c’est aussi pour cela que tu peux l’écrire avec tant de passion : tu es passion, elle est passion, tu es charnelle, elle est chair de notre si belle planète qui nous fouette quand nous oublions de la respecter…
Tu vas déguster bientôt ses premiers fruits avec amour, et la terre va te les offrir avec amour aussi, et puis tu l’as tellement fouillée, caressée et ensemencée. Elle est notre mère, tu es sa fille et tout s’accomplit….