carnet d’installation | 18 juin 2023
Cet endroit au centre du pays devient peu à peu lieu de passage, étape entre deux points. Entre nord et sud. Entre océan et montagnes. Il est doté désormais d’une chambre d’amis, certes ornée de motifs désuets destinés à disparaître sous un nouvel enduit et encombrée par quelques cartons de livres, mais infiniment calme et apte à accueillir. Ces derniers jours, une occupante particulière : la femme qui est ma mère. Un si bref séjour. A peine le temps de me raconter les menus événements du bord de la mer et les dernières disparitions — à son âge elle perd du monde tous les jours, famille, voisins, anciens élèves — et toujours chez elle, cette hâte à repartir à peine arrivée, cette inquiétude à accomplir le trajet en sens inverse avec le frais ou la chaleur, des orages peut-être, de la circulation sur la route, quoi qu’un dimanche ça devrait… enfin on verra bien… cette insécurité à se déplacer hors de sa zone de vie, hors de son périmètre maîtrisé. Une chose qu’on peut comprendre alors qu’elle entame sa quatre-vingt-quinzième année d’existence… et toujours de belles jambes, peu de rides, un cerveau qui fonctionne plus que bien quoi qu’elle en dise. Tout le monde l’envie. Je lui rappelle de saisir son présent comme il vient, d’aller là où est son plaisir. Elle hoche la tête, sourit, me serre la main. Ainsi fait-elle passer son affection davantage que par les mots.
Ce matin, encore visibles les traces de sa venue dans le pli du couvre-pieds rouge que je déménage depuis des décennies — il appartenait à Maurice qui habitait la maison du puits et que je considérais comme mon grand-père –, dans le livre abandonné sur le rebord de fenêtre, le mouchoir oublié, le sourire envolé fixé dans une photo.
Photographie ©Françoise Renaud- au jardin, 20 juin 2023
Un texte et des mots qui fondent comme un bonbon, douceur d’une Mère, Passagère trop rapide mais dont la trace précieuse donne du goût à la vie à venir. Comme ces magnifiques coquelicots, » ELLE » ravive la couleur des jours, bonheur éphémère volé au temps mais bonheur précieux O combien dont nos mères ont le secret et qui méritent bien une brassée de mots d’Amour dont tu as le secret. Jacqueline.
De l’importance de fixer les lieux de vie pour mieux communiquer ensuite…
Elle avait le sourire, heureuse d’être là pour ce petit temps, et puis elle s’est envolée à nouveau vers son nid…
Douceur aussi de tes mots, chère Jacqueline, lus ce matin….
bonheur intense que l’accueil d’une Mère âgée qui appréhende le monde extérieur mais une telle chaleur le partage de ces courts moments précieux. Elle a découvert le nouveau nid de sa fille et son cerveau qui fonctionne bien a enregistré ce lieu calme où poussent les magnifiques coquelicots. Merci Françoise pour cette bonne nouvelle.
Précieux, c’est le mot…
Prendre ce qui se propose, le déguster comme disait mon vieil ami JP aujourd’hui disparu…
C’est beau cet amour de mère et de fille et cette brève retrouvaille.
Ta maman semble moins fragile que ces beaux coquelicots que tu nous offres.
Je t’embrasse ma belle amie
comme tu as raison !
Sa vie encore intense, bien plus qu’une corolle de coquelicot… elle a encore un peu de temps devant elle…
Quel bonheur de pouvoir partager encore des moments inoubliables avec ta maman. Je t’embrasse. Nathalie
Une occupante particulière : la femme qui est ma mère… Que c’est beau, que les mots sont bien trouvés, disent toujours plus large qu’eux… Merci pour ce texte émouvant, chère Françoise.
Savoir Vivre, le vrai Savoir Vivre brodé de liens uniques, indéfectibles, en cueillette du temps présent si précieux, d’autant plus quand l’horloge fait briller la trotteuse plus que le reste.
Que ta maman, cernée d’inquiétude dès lors qu’elle sort de sa zone connue, puisse encore venir, se déplacer, photographier dans son cœur là où tu viens de poser les valises, quel cadeau pour toutes les deux.
On sent bien la force du lien dans ce que tu écris, c’ est pudique, fort, émouvant.. Ah ces petites choses déplacées qui restent après le départ et qui, si l’absence se fait cruelle, laisse monter quelques larmes..
Quelle chance, Françoise, quelle chance tu as de pouvoir serrer ta maman dans tes bras. Une maman, c’est une passagère pour la vie.
Découvrir un nouveau lieu de vie, c’est évidement une excuse pour se rapprocher davantage, encore et toujours, toujours plus proches.
Elle a laissé une petite trace physique de son passage, question de te rappeler que tu es toujours dans son coeur.