carnet d’installation | 12 juin 2023

Plus d’une semaine d’absence à cause d’un mouvement vers le Sud. Une longue fatigue m’habite liée à l’état de voyage et aux nombreuses rencontres mais me voilà de retour et j’en éprouve une petite joie, même si ce lieu de domicile n’est pas encore tout à fait mon chez moi. Des graines ont été plantées, peu à peu sortent de terre — au sens propre comme au figuré. Tout a commencé il y six mois bientôt, c’était le plein hiver, la neige couvrait les murets et les coques desséchées des fruits. Aujourd’hui les lilas et les cytises ont fané et les tilleuls sont en floraison, je reconnais leurs contours en périphérie du domaine, je vois les fougères neuves déjà hautes dans les taillis, les petites prunes bien accrochées aux branches de ces deux arbres que je prenais pour des cognassiers, je vois la cohorte des roses ébouriffées par le vent de printemps, le sol rendu magnifique par la folie des pétales et des herbes coupées emportées au hasard. Un chez moi ? oui sans doute, quelque part sur la terre entre l’océan de l’Ouest et les montagnes du Centre. Un chez moi plein d’oiseaux. Et ça ressemble de plus en plus à un refuge en cette saison favorable à l’avènement des fleurs et à la naissance des bêtes.

Écrire pour m’étonner.

Écrire pour continuer à regarder accumuler, poser là les mots sur le papier sous le coude ou devant les yeux dans le blanc de l’écran ouvert.

Écrire au risque de m’égarer même si je ne sais pas où ça me mène. Tout ça pour mieux voir en fin de compte, me dégager de cette gangue d’argile qui retient, encombre, empêche les mouvements du corps et de la gorge. Me dégager dans la brutalité rebelle ou dans la douceur — à la façon des esclaves de Michelangelo, visage tourné vers la lumière alors qu’ils tentent d’échapper à leurs liens.

Photographie ©Françoise Renaud – au jardin, mars 2023

9 commentaires

  1. Brando Alibert Jocelyne

    Ma Françoise, toujours un plaisir de te lire, j’ai l’illusion d’être auprès de toi, de voir ce que tu décris si bien, les fleurs, les fruits naissants, les herbes hautes, les oiseaux.
    Encore merci pour cette belle visite. Gros bisous

  2. Giner Nathalie

    Contente de savoir que tu es bien rentrée sur tes terres. Ce fut un immense plaisir de te voir . Je t’embrasse très fort

  3. Jacqueline Vincent

    De mon chez moi mauriennais, en ce moment, je traverse ton Pays à cheval avec Gaspard KOENIG « Sur les traces de MONTAIGNE ». *=
    Et c’est dans une campagne et des villages désertés vers une Vallée sauvage qu’avec Destinada (sa jument), l’auteur pénètre dans les entrailles du PAYS. Il va trouver là, la vraie NATURE et la LIBERTÉ… Un refuge dans la beauté et l’authenticité des paysages et des habitants.
    Tu me donnes aussi à visiter et à aimer ce PAYS sauvage balayé par le vent… et peuplé d’oiseaux.

  4. Explorer l’idée de Chez soi… Décrire ce qui environne, et explorer écrire. Merci, Françoise.

  5. brigitte celerier

    Françoise je me manifeste rarement mais plaisir constant de vous savoir existante, et de vous suivre de loin vous et votre jardinage de pensées de mots et de plantes

  6. Marie-claude Morote

    Ce texte me touche particulièrement.. Investir un lieu qui deviendra sien ne relève pas d’une signature chez le notaire. Quoi qu’il en soit nous ne sommes que locataires face au deal de l’existence, cherchant cet endroit de connexion le plus favorable à ouvrir les portes de notre liberté, de notre harmonie, ce point de rencontre avec soi, un soi enfin aimé, apaisé. Je t’imagine accrocher le regard à ce qui est là, devant toi, comme un miroir où tu te perçois, toujours en quête de racines qui te propulsent vers le ciel dans l’alignement le plus juste sinon une expression discrète de souffrance muselée que seul les mots arrivent à consoler.

    • on ne sait jamais ce qui nous attend bien sûr, et il faut sentir dans le vent l’odeur capable de nous capter, nous attirer comme un animal qui sait où se porter
      essayer de renifler, de humer la bonne direction pour aller à la rencontre des êtres, arbres, fleurs, nuages…
      et on ne peut le faire qu’avec ce qu’on a dans la musette !
      toujours oui tu as raison, une « expression discrète de souffrance muselée », quelque chose qui pour un rien s’apaise ou s’attise…

      Merci pour ta douce attention, chère amie Marie claude

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