carnet d’installation | 12 octobre 2023
Il fallait que je m’en donne la peine, que je me déplace jusqu’à elle. Il fallait que je quitte la double voie qui traverse les campagnes d’est en ouest — empruntée par commodité de préférence aux petites routes —, que je dépasse les deux hôtels aux enseignes bien connues et que j’entame la lente remontée vers le plateau. Fort en tête, l’idée de me préoccuper des détails, d’avoir le souci des petites choses pour me faire une image bien à moi. Ne pas en rester à ce qu’on m’en a dit.
La ville d’à côté ne ressemble à rien que je ne connaisse déjà. La ville d’à côté glisse sur les pentes de la colline Guéret Grancher entre bocage et forêts, entre Creuse et Gartempe. Altitude 571 m d’après Wikipedia. Presque pas de zones commerciales, magasins Leclerc Darty en format modeste. Quelques garages et boutiques de meubles. Circulation fluide. À l’origine, rien qu’un monastère fondé en 669 dont un certain moine Pardulphe était devenu l’abbé, rasé au IXe siècle par les Vikings. La ville d’à côté s’est appelée Waractus, puis Garait ou Garag vers 1140, puis Garactum, Garet ou Garait en dialecte marchois. N’importe, la musique y était déjà, les deux syllabes, ça crée le nom, un nom qu’on retrouve dans les poèmes anciens. Pour moi, c’est un nom attaché aux créatures des bois et des prairies, à la figure des lièvres. Peut-être à cause de sa résonance avec le mot garenne. La ville juste à côté porte le nom des terres labourées non ensemencées, voire demeurées en friche, domaines livrés à la nature avec chevreuils et mille espèces d’oiseaux qui vivent à leur guise. Enfin une toute petite cité qui veille sur un vaste pays.
On parvient vite au centre
— peut-on parler de centre, toute la ville est le centre. Oui, tout semble réuni en peu de territoire comme dans les villes du Far-west américain avec hôtel saloon banque geôle maison de justice dans la même rue. Préfecture tout de même. Les bâtiments en imposent, hautes façades en granit sombre. Les gens marchent sans courir, ils sont vêtus de vêtements confortables. En cette fin de journée la lumière est forte et belle, elle caresse les arbres nombreux sur la grand place et fait luire les carrosseries de voiture. Je m’assois sur un muret, avise l’entrée du Monoprix, observe les silhouettes des passants. Tout est paisible, soleil déjà engagé de l’autre côté vers les collines de l’ouest. Il mordore les façades et gêne ma prise de photographies.
Photographies, ©Françoise Renaud – en ville, 6 octobre 2023
Whaou!!! L’atmosphère est là, trois de tes mots et je m’intègre au décor. Tu sais pas, j’ai l’impression d’être dans un Exbrayat,sauf qu’il n’y aura pas d’assassin à découvrir. Tu as bien saisi l’intime de cette ville, de cette « villette ».
Images et sentiment… tu racontes si bien que même Guéret donne envie de visiter ton nouveau lieu de vie !
Toujours le même sentiment m’envahit lorsque je te lis, cette impression que tu n’es pas loin de moi ! ton nouveau chez toi tu me le fais découvrir tellement bien à chaque fois que j’ai l’impression d’y être allée. Merci ma Françoise. Bises
Quitter la deux fois deux voies.
Une ville de western aux habits confortables.
Un monoprix, un Leclerc etc. preuve d’une contemporanéité.
Et un lièvre !
Quant à toi, tu es assise sur un muret, à la façon d’une cinéaste dont, en te lisant, je regarde le film.
Tous les commentaires précédents sont très beaux à lire et traduisent tout ce que je pourrais écrire. Tes lecteurs sont forts !
Que dire après tout ça ? …
Il n’y a bien que toi pour faire de Guéret une ville d’intérêt…et un sujet de belle écriture!!!!
J’ai souvenir de l’avoir traversée il y a bien des années. Sur la route des vacances vers le ski de fond en Auvergne…dans un sens pressée d’arriver en montagne …et dans l’autre sens, désolée de devoir quitter les fabuleux paysages de neige… je garde juste une impression d’austérité et de froid.
Mea culpa , je l’ai zappée !
tout est digne d’intérêt pour celui qui écrit
c’est comme une sorte de respiration, un apprentissage du regard permanent, et tout dépend ce qu’on cherche à voir…
j’ai juste essayé de rendre compte de ce que j’ai ressenti et j’ai aimé ce calme, la noblesse des bâtiments… il faudra que j’aille un peu plus loin dans la découverte
Ambiance très paisible de petite ville, l’impression s’en ressent à travers tes mots…Pour la petite anecdote, lorsqu’à l’école, on étudiait les préfectures et sous….pour ce souvenir de Gueret, l’institutrice nous avait donné comme astuce que Gueret signifie sillon, alors Creuse ton Guéret, je m’en souviens encore….
Eliane
C’est bien évoqué, relaté, voilà Guéret petite ville où il fait bon vivre sans précipitation, si on « creuse » l’histoire nous apprend les parlers du Croissant dont le marchois méridional et puis plus récemment il y eut les maçons de la Creuse. Là aussi, il y a tant à découvrir, approfondir et cela permet de comprendre le caractère des locaux façonné par le passé. Ton texte m’inspire pour continuer à m’en imprégner. Merci Françoise.
J’entends le silence transcendé par ton regard bavard sur un lieu sans doute traversé tant de fois sans qu’un quidam lui accorde moindre importance..
Tu me fais penser à une enfant qui découvre un territoire pour poser des histoires, des vraies et puis les autres celles qui sortent du ventre nourri de sensations multiples. Oui je te vois sur le muret à mettre en caractères gras des silhouettes de vie devenues ainsi palpables. Mettre de la grâce là où l’on ne verrait qu’austérité, rendre accessible ce qui semble fermé. Tu es dans le flot de tes vibrations profondes. Merci de nous en permettre l’accès avec autant de qualité narrative .
c’est comme dessiner, il faut se soucier du détail, de ce qui arrive dans la matière de l’air, comprendre s’il a du vent justement ou comment la lumière se pose sur les matières, ce qu’il en est des textures du sol et des façades, savoir où se couche le soleil dans le paysage, tout ce qui constitue le tableau mérite d’être considéré de près
tu me ramènes à la question toujours cruciale : « c’est quoi écrire ? »
en tout cas ce carnet veut donner à voir quelque chose du présent et du réel sur ces vieux territoires en s’appuyant sur mon expérience nouvelle, comme des petits voyages à chaque page…
merci pour ton passage par ici…
Ton texte résonne dans mon univers actuel sur l’origine des mots. Une dentelle se dessine autour du lieu en remontant le temps. Alors un lapin de Garenne traverse le paysage et d’un bond m’emporte dans ton rêve.
Assise sur le muret, Alice au pays des merveilles a débusqué le lièvre de Guéret, elle découvre, regarde, décrit tellement, qu’on la retrouve facilement… comme si on y était.