revenir peu à peu
fréquenter à nouveau la frontière
faire des gammes, se livrer à des exercices (décrire par exemple un paysage ou un bâtiment vu par une vieille dame ou par un oiseau ou par un futur meurtrier), se risquer sur une piste inconnue, glissante ou simplement broussailleuse
revenir sans retenue
revenir dans le lent, dans la grâce
comme au jardin où chaque jour je travaille un recoin, une platebande, un parterre de légumes, nettoie, coupe une branche, affine une bordure, cisèle un arbuste, aère la terre autour d’une plante fragile, donc ne pas penser, juste faire cela avec le corps, avec le souffle comme si on l’avait toujours fait
et les mots reviennent pareils à ces gestes dépouillés habités de souvenirs inconscients, reviennent, respirent
il faut goûter ce moment où ça brasse au ciel et coasse dans la rivière, où même ça brasse dur aujourd’hui après une nuit folle (une de plus), tellement fortes les eaux, furieuses hurlantes après les pluies diluviennes tombées depuis minuit, c’est l’eau qui gagne toujours sur les berges, les plantations, les aulnes et les roseaux, emporte tout — quelque chose que je sais déjà, que j’ai déjà expérimenté et qui m’a cloué l’esprit au fond de mon cerveau sans pouvoir réagir ni dormir, le vert est si intense, l’air imprégné d’arômes frais, l’eau intégrée dans tous les corps offerts végétaux animaux
et cette frontière mouvante de l’eau et de l’air au contact de l’herbe
Photographies Françoise Renaud, 12 juin 2020
Comme une corde de violon tu vibres au moindre courant d’air et j’entends le son de tes humeurs avec tant de subtilités…
Terrain fragile d’une telle intensité…
trouver de l’intensité dans chaque chose minuscule, chaque événement, chaque tremblement… ça me donne à vivre…
merci pour cet accompagnement si présent…
La nature, même bouillonnante , est ta source de vie et ta ressource! Le retour à la terre , la soigner , l’écouter est une thérapie formidable pour chasser les angoisses qui rôdent…
Comme j’ai pensé à toi, à vous en écoutant une météo pluvieuse où les eaux s’annonçaient de nouveau en furie dans les Cévennes… Et cette peur déborde de ton texte malgré ce retour à la vie… le danger toujours là, dans une nature qui déborde comme tes mots, ciselant les paysages les corps et les âmes dans un tourbillon sans fin où la vie reprend toujours ses droits. Jacqueline.
Un paysage vu par un oiseau. Je demande à lire ! Quelle bonne idée.
Je t’imagine heureuse à élaguer, ratisser, planter, prendre soin de la nature. Nature sauvage qui fait gonfler le cours de cette petite rivière, ta voisine.
Oui il faudra que je l’écrive un de ces jours, ce paysage…
Heureuse oui, mais souvent angoissée par la puissance de l’eau.
La nature ne s’apprivoise pas. Les hommes naïfs croient la dominer, ils se trompent. La nature est belle, sauvage, et dangereuse. Convulsive, disait Breton de la beauté. C’est pareil ici. Elle est vivante. Je sais que tu le sais.
Absolument. Le gonflement de l’eau dans un lit de rivière est une convulsion du présent. Tu fais bien de le rappeler…
et voilà pourquoi justement la peur parfois nous prend…
Ces grondements t’impressionneront toujours mais ne t’empêchent pas de continuer à admirer la nature autour, le vert reverdi et les fleurs redressées le lendemain.
Une tellement belle façon de vivre; c’est tout toi