carnet d’installation | 4 novembre 2023
Je m’en suis retournée voir la ville d’à côté histoire de me familiariser avec la configuration de ses rues, m’en faire un lieu plus proche et amical, m’y inventer une promenade, cette fois par une fin de matinée fraîche et venteuse. Toujours peu de monde, deux femmes en terrasse avec petits chiens recherchant le soleil. J’ai trouvé un certain l’intérêt à faire le tour de la place avec fontaine et platebandes encore fleuries, à observer les façades, ah cet air résolument provincial qui m’évoquait les bourgs de mon enfance. J’ai marché au hasard — comment l’écrire ? –, j’ai marché mais la ville semblait m’échapper, se rétracter, rechignait à se livrer. Brusquement je la sentais se refermer sur elle-même comme si on ne pouvait rien lui réclamer. Je ne savais plus où aller et je n’y connaissais personne. Les hautes façades ressemblaient à des entités mystérieuses parfois sévères parfois colorées qui recelaient des tonnes d’histoires comme partout où il y a de la vie humaine, amours trahisons déchirures, mais aucune fenêtre ne venait à s’entrebâiller. La matière me manquait pour inventer quelque chose qui aurait rompu le silence, par exemple des bruits de langue, des rires, des cris d’enfants, tandis que les jardinets en bordure des villas de pierre absorbaient la rumeur des voitures, soulevant en moi un besoin de confidence. Était-ce l’état de solitude qui entraînait mes mots à se réfugier dans de récents souvenirs et m’empêchait d’être plus volubile ?
Bientôt j’y connaîtrai quelques âmes. Nous irons bavarder après le marché du samedi et nous déjeunerons au restaurant. Pour l’instant me reste à rallier le Grand Café pour y voler quelques bribes de conversation tout en savourant un chocolat chaud ou alors faire des courses au Monoprix.
Photographies, ©Françoise Renaud – la ville d’à côté, octobre 2023
Ta facilité à rendre une ou des ambiances me fascine, je les vis en te lisant.
faire l’effort de ressentir à nouveau au moment de l’écrire ce qui se passait au moment réel… toujours un challenge…
merci pour ton écho et ton passage
Quel étrange endroit… C’est ce que l’on ressent lorsque l’on ne connaît encore personne, mais lorsque tu aura pris tes habitudes, en allant faire ton marché, tu vas faire connaissance certainement avec des gens du coin qui vont te faire découvrir ce nouvel endroit où tu as posé tes valises. Patience. Gros bisous ma Françoise
Ah je préfère de loin le chocolat chaud aux courses au Monoprix ! N’as-tu point trouvé, au détour des Bains Douches, quelque producteur de bons produits locaux avide d’écouler sa marchandise et de tailler une bavette avec une conteuse de ton genre ? Tu devrais trouver sans trop de peine.
Alors il faut que j’y retourne et que je passe un peu plus de temps !! un jour de marché par exemple. Il paraît que le samedi la grand-place est remplie de marchands…
j’attends seulement un épisode de temps moins pluvieux, les étangs débordent…
drôle d’endroit… Ce matin sous la pluie St Jean aussi était désert et seule la boulangerie et ses odeurs de pain frais éclairait les portiques d’un semblant de vie. Nos petites villes ne s’animent en effet que le jour du marché et je pense que ta chronique future pleine de couleurs et de conversations nous réconciliera avec cette Province profonde et silencieuse qui ne se dépense pas en Blablas inutiles.
Peut-être faut-il chercher encore plus au fond, dans les recoins, les signes minuscules pour entrevoir d’invisibles histoires…
Chronique à suivre au fil des saisons…
merci d’être présente encore et toujours
…. « Bientôt j’y connaîtrai quelques âmes.. »
Je te le souhaite de tout cœur au gré de tes cheminements dans cette ville d’à côté, pas si proche de toi en réalité. Les photos sont belles car tu sais mettre de la magie dans ton regard mais j’avoue que ces façades me glacent toujours un peu le sang. On sent le poids des histoires de tant de vies, le poids des secrets, le poids du muré pour de bon, le poids du labeur, le poids d’une ambiance sans charisme particulier selon mon ressenti. Il faut de la ténacité pour espérer une ouverture quelque part. Mais toi tu sauras accueillir ce regard bienveillant à croiser dans ta nouvelle vie pour que la rivière chante dans les veines..
Entre les villes polluées et le silence assourdissant de la campagne, ourler sa place au milieu des autres… Pas toujours facile.
Le propre d’une façade est d’être fermée, c’est vrai, et les façades de toutes les villes sont généralement fermées. Seules, celles des gratte-ciel font illusion avec les reflets de nuages et de bleu dans le verre.
Les ouvertures peuvent venir de tous les côtés. Je suis aux aguets…
Mais le silence des campagnes n’est pas assourdissant, en tout cas pas le silence au sens réel. C’est un silence vrai, total, les nuits sont pleines d’étoiles et on entend les rapaces nocturnes et le vent dans les hautes couronnes d’arbre…
A te lire on ressent une petite ville secrète fermée au monde extérieur. Passant, file il n’y a rien à voir. Pas du tout, il y a les fleurs, les façades colorées, deux dames en terrasse, c’est un début avant le jour du marché. Un prochain samedi tu converseras avec les producteurs qui vanteront leurs produits de qualité, tu noteras la recette locale et le Grand Café sera trop petit.
Cependant j’ai en tête le texte de Sylvain Tesson dans les « chemins noirs » lorsqu’il traverse à pied la France profonde il évoque les villages déserts où seulement derrière une fenêtre un rideau se soulève…
A bientôt Françoise pour un texte plus vivant.
Le secret n’est pas forcément la fermeture…
et il y a toujours une vraie gentillesse dans les rencontres qui arrivent par ici, une bienveillance qui fait du bien et qui n’appartient plus guère aux gens des villes…
merci Odile d’être venue à moi par les mots
Superbe rendu avec cette ville d’à côté qui se rétracte et le texte qui se refuse. Merci, Françoise. On a tous vécu un tel moment. Tu le traduis si bien.