recherches sur la nouvelle
Proposition #1 : des images mentales (à partir de Henri Michaux, en rêvant à partir de peintures énigmatiques)
Dans un lit, un corps d’enfant. On ne distingue pas les traits du visage, juste la forme du petit corps (on sait qu’il s’agit d’un corps d’enfant). Clarté maigre provenant du dehors – la chambre n’a qu’une seule fenêtre qui donne sur un jardin et les voilages sont tirés. Rien de spécial dans la chambre sinon le blanc du lit. Ah si, les dessins antidérapants du sol en béton, comme une résille. Dehors : fruitiers aux branches nues, choux tordus bien rangés. C’est l’hiver. Presque personne sur la route. Tous les gestes sont lents, la terre comme morte.
Je suis tout près de lui. Je tends la main vers sa cuisse dans le pantalon de travail. Sans le toucher. Je voudrais lui faire signe, lui dire quelque chose. Il ne sent pas, ne regarde pas.
Un rivage très loin (bordure Nord-Est de l’île). Juste avant la pluie les choses se distinguent beaucoup mieux : les falaises, les zones de plage, les petits bois de chênes verts et de mimosas, les maisons du port. Toujours cette vaste étendue grise ou verte entre le continent et l’île, secouée de vagues plus ou moins phosphorescentes. Des oiseaux crient en nombre. Peut-être aussi des poissons qui volent au-dessus du tumulte, pareils à des créatures fantastiques.
D’abord le blanc, rien que le blanc — champ de neige ou pétales de fleurs, on ne sait pas. À s’approcher et ajuster la mire, on distingue le grain, la trame du tissu. C’est un tissu raffiné et léger comme de la mousseline (par endroits brodé, en d’autres ajouré), tissu maintenant déployé sur le fauteuil pour révéler la robe — robe de mariée de ma mère. Une légère odeur de fleur d’oranger, une illusion plutôt liée à l’image de la robe et à la blancheur.
Rumeur sourde de plus en plus forte. Il y a des bruits de galop, d’animaux qui fuient, leurs silhouettes saisies dans une lumière orangée de fin du monde. Regarder, ne pas bouger pour ne pas modifier l’ordre.
Pépiements d’oiseaux. Fraîcheur de la terre. Plein été ou alors septembre. La petite fille rampe sous les branches, attrape un fruit juteux — une poire à peau sombre tavelée. Elle se sent parfaitement cachée sous la ramée au fond du jardin et elle suce le fruit. Délice.
La femme est souvent devant l’école à l’heure de la sortie. La femme a une fille qui s’appelle Éva – un nom original dans ce bourg de campagne. La femme a de gros seins qui pointent sous le pull moulant, mise en valeur par un soutien-gorge Playtex (ils en faisaient de la réclame à cette époque), ça en devient presque gênant. Il y a aussi que la femme a du rouge à lèvres et les cheveux bien coiffés, parfois elle pose la main sur la hanche. On sent le regard des hommes qui se pose sur elle. Éva ressent de la honte.
Réveil en sursaut. Tu es un assassin, c’est ce que tu te dis. Oui tu as tué quelqu’un mais tu ne te souviens plus des circonstances. Presque tous les détails se sont évanouis, survit le sentiment très fort que c’est vrai, que ça s’est passé, que tu as fait quelque chose de terrible et d’impossible à réparer, et cette violence t’accompagne au fond de ton cerveau à jamais.
Photographie : Françoise Renaud (série Le cadavre dans l’escalier, 2017)
Ici le Tiers Livre, « en 4000 mots » | recherches sur la nouvelle
Le décor est posé… L’intrigue aussi qui devrait se nouer autour d’un corps d’enfant… Alors bien sur j’attends le déroulement de cette nouvelle qui recèle dès les premiers mots un suspens, un mystère qui tiennent en alerte…pour le prochain épisode. Jacqueline.
C’est donc le premier texte d’un travail d’hiver. Je vais suivre cette évolution avec un grand intérêt.
p.
Heureux de voir que tu te lances dans ce nouvel atelier ! Hâte de lire la suite
c’est très intrigant, on aimerait connaître la suite – car cela demande une suite- On se pose plein de questions, mais où es-t-on et que se passe-t-il.
Vite en savoir plus