Ce qui se cache sous la couche de cendre,
ce qui grince grogne,
ce qui se terre et se tait de l’être car ne peut être dit,
tout ce que nous savons de l’air bleu des rêves, de la fine découpure des feuilles d’érable, de la solitude éprouvée au cours d’une promenade au bord du lac gelé alors qu’un soleil maigre courtisait la canopée des forêts, un homme marchait sur l’autre bord, laissant des traces profondes — il croyait lui aussi être seul —, il faisait tellement beau cet après-midi-là après une semaine de tempête neigeuse que toutes les espèces de créatures étaient sorties des tanières pour jouir de la lumière rapidement basculée en arrière des arbres,
tout ce qui nous fait tenir debout au milieu du chemin, tête nue, front au vent,
tout ce que nous aimons, nourritures suaves, habits de velours et livres rangés dans nos bagages dans nos sillages,
un jour constater l’état des choses, la prégnance des secrets enfermés dans des armoires métalliques, la noirceur de la terre sous les ongles, les émotions qui nous exhortent à ne pas perdre une miette de ces spectacles discrets que bien peu observent, un jour forcément constater la blancheur de la neige — comme on prend conscience d’un sommet inaccessible —, cristalline, irréelle, manteau lustré tassé sédimenté en même temps que des débris de poussière, parcelles de météorites, brindilles, feuillages secs et graines miniatures éjectées du fruit pour donner à renaître, c’est comme ça que l’espace se régénère, comme ça qu’on retrouve le goût des choses,
comme ça que se cicatrisent les douleurs de la chair par temps clair,
au retour partager une tasse de thé, un gâteau, tout en parlant de la beauté du lac, de l’ordonnance du tas de bois appuyé contre la maison.
Texte inédit ©Françoise Renaud
S’agace, acrylique sur toile de Raphaëlle Boutié, 2013, 114 x 146
Du nouveau? … un nouveau feuilleton?
Waouw, encore très beau, des mots profonds qui ont l’air d’affleurer sur ta plume. Je retrouve un gros reste de géologie, un amour de la nature très fort et une observation des cœurs qui teintent les mots.
Magnifique constat du moment présent où l’observation imprègne l’être, lequel se fond à travers les éléments naturels, si beaux, si vivants, si purs… revigorants.
Mais aussi l’être lui-même prend toute la mesure de l’état des choses et se prête, s’ouvre à travers cette observance à l’âme guérisseuse, purifiante, salvatrice, lui redonnant force et régénérescence, re-naissance !
Très beau texte, Françoise, et si… vif, où l’on sent la douleur, puis… la joie du partage bienfaiteur.
Non, il ne s’agit d’un nouveau feuilleton. Simplement d’un feuillet libre, d’une prose venue dans un matin de soleil.