marlen06

Il va sans souci. Sans fatigue. Plus léger à l’heure fraîche. Il va, porte le vent. Glisse au flanc du versant. S’incurve, se resserre quand il faut, bientôt raidit sa pente pour entraîner vers le col.
On va avec lui, on le suit — on lui fait confiance.
On essaie de sentir tout ce qu’il y a dans l’instant de formes, de textures, de parfums, de murmures. On ne veut rien manquer. La couleur de l’air. Le ruiné du rocher. Le port des arbres rares. La sensation d’altitude. Et puis le dessin des crêtes contre le ciel, les nuages échevelés, la résonance de l’horizon. Le tressaillement des bêtes cachées. Toutes ces choses émanant du dehors proposées au cours de la marche, cette profusion d’événements minuscules engageant le regard et les autres sens, nous reconduisant dans le giron de la nature. Finalement nous procurant un sentiment de plénitude et d’amour sans réserve pour ce monde qui bouleverse.
Sentiment qui gagne en nous. Pénètre.
Et on regrette de ne pas voir humer toucher avec plus d’acuité. On regrette d’être ignorant : tant de variétés de plantes sauvages d’insectes d’oiseaux, tant de nuances de vert de bleu. On voudrait voir profond. On voudrait voir la sève circuler dans les tiges, la pluie glisser dans la terre, les cristaux se transformer dans la pierre. L’âme dans le corps s’émerveille. Surtout ne rien perdre.
Qu’importe, on y va. On va dans la joie du paysage.

Au-delà du tournant l’air surprend et coule sur le visage. On a les joues rouges. On devient chemin, rocher, bout de ciel. On froisse la tête des bruyères du plat de la main, si douce couleur — couleur d’invisibles baisers — tout en se hissant jusqu’au plateau aride, râpé par les courants puissants du vent.

Photographie ©Marlen Sauvage
Ce texte a été écrit dans le cadre des Vases communicants avril 2016 et publié sur le blog de Marlen Sauvage

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