tout un été d’écriture #24 | caméra temporelle

Elle voit les bâtiments et elle pense aux gens, comme un renversement — la pierre et la chair, le dur et le sensible. Elle a vingt ans même pas. Elle a voyagé depuis l’ouest en autostop, il a fallu du temps. Fatigue sans doute. On vient de la déposer au cœur de la ville à l’heure du déjeuner, il a fallu faire vite, voiture prise dans le trafic, les autres s’impatientaient derrière. Elle a attrapé son sac à dos. Salut de la main, merci. Elle ressent l’ambiance chaude et l’espace grouillant de voitures. Au centre de l’espace ovoïde cerné de drapeaux, une fontaine entourée de fleurs rouges. Auvents bleus. À la terrasse d’un café, un homme en train de fumer la regarde. Il a des yeux d’ébène. Elle se détourne, avise le ciel limpide, éprouve un bref sentiment de solitude. Elle a choisi cette ville du sud pour étudier les sciences (première de la famille à le faire, c’est quelque chose). Sa vie est jeune, elle n’a aucune idée de ce qui l’attend et s’enivre de découvrir une cité nouvelle. Façades grandioses, enseignes de cinémas, boutiques luxueuses, théâtre et bars chics. Les gens lui semblent différents de ceux qu’elle connaît : vêtements, langage, nonchalance. Elle ne s’attarde pas, attrape un bus pour gagner les quartiers de l’Université. Continue reading →