carnet d’installation | 3 janvier 2023
peu de rêves ces temps-ci
trop de fatigue sans doute, une fatigue qui aspire le corps dans un sommeil sans fond et le laisse en errance quelque part en bordure de terres inhabitées, réveil abrupt aux premières lueurs grises et laiteuses, yeux plissés encore emplis du mucus de la nuit, conscience perdue dans des espaces d’il y a un milliard d’années, avec ou sans vent — au fait j’ai hâte d’apprendre les vents qui circulent dans ce paysage, d’où ils viennent, ce qu’ils transportent, quelle est leur façon de brasser les atmosphères et de raser le toit des fermes, les bosquets, les champs d’herbe —
peu de rêves mais des ombres qui deviennent étrangement proches, floues et fluides, vivantes, elles me frôlent et je peux entendre leurs respirations, peut-être mes anges qui m’ont suivie jusqu’ici, mes petits morts, mes présences d’amour, mes attachements, mes liaisons à la terre du passé, je ne leur ai pas accordé suffisamment d’attention quand ils étaient là ou alors c’est qu’ils sont partis trop tôt, tout ce qui est caché mais demeuré à fleur de vie survivant au chaos, et ce matin je ressens davantage leur présence alors que je pèle une à une mes écorces
peu de rêves mais des grandes clameurs à traverser le pré entre le haut châtaignier derrière les clapiers et le hangar délabré de l’autre côté, je ne peux m’empêcher d »imaginer ce pré au printemps tout ragaillardi, espèces délicates ou rustiques, aériennes ou taciturnes poussant subitement des bouquets dans l’entêtement à recouvrir le sol d’une pelisse odorante, dans l’entêtement du renouvellement permanent de la vie sauvage
Photographie FR 02/01/2023
c’est un très beau texte écrit avec un tel ressenti, une émotion vibrante, une extrême sensibilité… je ne sais que dire mais je t’es sentie tellement proche comme » les ombres floues et fluides.. » enveloppées dans ce paysage si beau, c’est l’hiver…..
oui tu as raison, sans doute une sensation d’hiver
à cause des lambeaux de brume qui traînent dans nos nuits…
Les rêves et les vents vont te découvrir.
j’espère qu’ils me reconnaîtront…
Peu de rêves et pourtant tu nous embarques avec toi dans le petit matin où le paysage et le vent comblent nos sens soudain en éveil. Nous escaladons des chemins de mémoire parfois oubliés qui soudain affleurent sous la carapace de nos vies. Et puis, la promesse d’un renouveau ravive nos envies et bouscule nos attentes… Le printemps n’est plus loin et le Rêve aussi. Jacqueline.
je goûte à l’hiver comme toute autre saison
je sais qu’au printemps je découvrirai une planète inconnue
chaque chose à sa place, pas loin, à portée de main…
et tellement merci pour ton beau commentaire
Tu es, si je puis dire, entre deux univers qui ne s’opposent pas mais…un peu quand même! Alors les fantômes bienveillants te parlent du pays délaissé. Oh, pas pour que tu reviennes, non…mais que tu saches qu’ils veillent sur toi. Et qu’ils restent dans ta foulée.
Oui, évoquer ce qui reste de nous là où on a vécu et ce qu’on emporte avec nous de ce lieu
tout nous compose
merci Den…
Sensations nouvelles, découverte de ton nouveau territoire, mais peu de rêves.
C’est la page qui se tourne et renouveau -ailleurs-
Ca sent le bon endroit pour ta plume qui se trémousse, attendons ce qu’elle nous livrera, je sens une avalanche de jolies tournures et -sans doute- un nouveau livre qui dort encore.
oui, ton intuition est la bonne
surtout ne pas cesser le travail, poser au jour le jour ce qui s’annonce, ce qui étonne ou interroge, faire mienne la matière à portée de main et de regard
merci pour ton passage ami
Une grande parenthèse entre le vécu et l’à vivre avec une hypersensibilité au présent… Émerger de la fatigue, du changement, laisser bourgeonner ce qui adviendra..
Un sujet pour toi, ce carnet d’installation, la découverte de ton nouveau paysage. « […] dans l’entêtement à recouvrir le sol d’une pelisse odorante, dans l’entêtement du renouvellement permanent de la vie sauvage ». Tes mots subliment le visuel. Quelle chouette idée de nous faire partager cette prise de territoire. Et toujours la beauté de tes photos et choix de prises de vue si esthétiques. J’adore ces gros plans, le tas de bûches aussi, tous.
Je crois que tu dis le mot : « cette prise de territoire »
Tu me donnes peut être l’idée là d’un titre pour un recueil de fragments, quelque chose pour l’avenir…
et merci de noter et d’être sensible au travail des images