carnet d’installation | 7 janvier 2023
Un par un les objets sortent de leur gangue en papier journal ou papier bulle, indemnes après le voyage, ils ne sont changés en rien, ils m’enchantent.
Loin de moi l’idée d’inventaire, j’expérimente seulement cette joie d’ouvrir les caisses et de les retrouver, lent rituel réjouissant après un temps d’absence. Je me suis préparée à ce moment comme à une cérémonie. Les délivrer, poser la main sur eux, leur accorder une place même provisoire me procure un certain apaisement : lampes, poteries, têtes en pierre, oiseaux en bois, bols colorés, plateaux et tasses à thé, peintures roulées, petites huiles sur toile achetées en brocante, paniers tressés, pots népalais. Il me revient l’image des malles chinoises de la mère de Richarme longtemps restées secrètes qui détenaient quelques trésors. Beaucoup vont cependant rester en sommeil et attendre la rénovation des pièces qui leur seront destinés. Pour la chambre devenue bureau, j’ai démailloté trois statues en bois sombre (figures du Nagaland, pays insoumis au Nord-Est de l’Inde) : un homme accroupi imposant — près d’un mètre de haut — et un couple de la forêt, des personnages taillés d’une pièce dans un bloc d’arbre. Corps nus, humbles, bruts, émouvants. A peine quelques ornements. Insolites dans cet environnement de campagne, oui sans doute aux yeux du visiteur, mais il y a si longtemps qu’ils vivent à mon côté qu’ils s’intègrent déjà dans ma pièce de travail et résonnent avec l’instant qui advient dans les fenêtres et les lambeaux de brume mystérieuse qui s’effilochent à travers les jardins abandonnés. Comme deux pans de vie qui se rejoignent et délivrent soudain une nouvelle lecture du monde.
Photographie FR 03/01/2023
Facile de t’imaginer dans ces gestes de retrouvailles et d’installation entre provisoire et juste à la bonne place.
Tu vis une transition qui semble te combler selon l’écriture qui en découle.
Beaucoup de silence alentour, je suppose, un silence empli qui nourrit les amoureux de la création au rythme de l’originalité, la tienne, la vôtre en l’occurrence..
merci d’être là, aux aguets…
en fait je me suis donné ce travail à faire, les jours où je peux, le plus souvent possible, ce travail d’examiner ce qui advient sous différents angles, un carnet de bord quoi, un carnet qui parle d’ici et de ce que je vois
merci d’être là…
La vie des objets est très mystérieuse ; compagnons fidèles de notre univers. Ta malle contient des trésors que tu redécouvres pour refaire une nouvelle histoire , un bout de route où ils vont t’accompagner et te parler dans un autre langage. Et donc t’aider à t’ancrer dans ce lieu où tu leurs trouves une place peut être encore provisoire. L’impatience d’une harmonie arrivera avec les mots confiés à ton carnet de bord après le silence rompu seulement par le papier froissé….
Cérémonie… Belle idée.
c’est vrai que ça tient un peu de la cérémonie de sortir toutes ces petites possessions emmaillotées dans ce qu’on avait sous la main, de les faire revivre comme si la respiration leur avait manqué pendant tout ce temps…
merci Anne pour ces échos revigorants…