carnet d’installation | 17 au 24 septembre 2023
le sentiment de bénéficier d’une pause après des mois consacrés à la construction d’une vie nouvelle, une pause nécessaire après l’été mouvant pour éprouver tout ce qui advient au fil des semaines, au fil des saisons, tout ce qui arrive aux jardins autour des bâtiments et des zones sauvages, aux arbres, aux murs, aux corps, aux visages, à son propre corps et à son propre visage qui se sont reflétés plus jeunes dans les miroirs de cette autre maison, maison qui compte encore beaucoup et que je viens de rejoindre au sud de la Bretagne | je la retrouve bien entretenue en dépit de l’absence définitive du père et je me surprends dans le miroir de la salle d’eau comme on dit par ici, petit lieu resserré entre la chambre et la salle à manger avec un néon au-dessus du lavabo qui fait ressortir plus encore les rides qu’en plein soleil, le genre de néon qu’on n’arrive plus à changer parce qu’ils ne font plus ce modèle dans les magasins de bricolage | et ce visage dans le miroir est un espace sans fioritures qui se creuse peu à peu | je ne m’y reconnais pas dans les traits, plutôt dans les expressions et dans les ressemblances avec elle, petite mère | en fait je ne me préoccupe pas de ressemblance ni de dégradation, seulement de la ligne du regard pareille à une ligne d’horizon parfois dissimulée par les grands cyprès bleus à s’approcher de la côte ou noyée dans la brume marine, ligne d’horizon faite des événements de l’enfance, des blancs, des bleus, des tempêtes et des images de l’île de l’autre côté de la baie où j’ai grandi | chacun de ces jours est un jour nouveau et l’émotion demeure perceptible sur son visage à elle à chaque instant, comme si c’était la dernière fois
Photographies, ©Françoise Renaud – côte de Jade, 23 septembre 2023
F.
Les intervalles servent à mesurer la vie écoulée et à préparer la vie à venir.
Les rivières, les lacs, la mer, l’océan offrent de parfaits intervalles.
Les mères, je ne sais pas, elles ne se ressemblent pas.
La tienne t’émeut, la mienne me navre.
Entre chaque intervalle, le temps passe.
Tes mots ne le retiennent que les quelques minutes passées à les lire.
Vinc.
Une très longue phrase pour exprimer tant de sentiments entre l’action, la contemplation et le temps qui passe.
Tu nous charmes Françoise
C’est une très belle parenthèse rafraîchissant que cette petite escape que tu t’es accordée sur le site de ton enfance au côté de ta maman. Tellement heureuse pour vous, c’est super de pouvoir la visiter. Apprécier les balades au bord de la mer, profiter de ces superbes paysages, avant de repartir retrouver ton nouveau domaine pour profiter des fleurs des fruits et légumes de ton jardin que tu entretien avec réussite et bonheur. Très heureuse de partager tes écrits ma Françoise…
Très belle et fine analyse portée par un souffle, suspendue aux respirations fugaces, et ton art si personnel dans l’évocation tout à la fois réaliste et philosophique de l’espace et du temps. C’est beau, Françoise !
Merci pour vos commentaires qui m’accompagnent toujours dans ce désir d’avancer dans le temps en dépit de tout, d’énoncer la vie et la beauté…
Retour sur ton voyage en Bretagne avec ce texte qui marque dans ce carnet d’installation le passage du temps. Temps d’enfance dans ces lieux ineffaçables et temps vital auprès d’une Mère toujours protectrice et consolatrice des peines et même des rides puisque pour Elle tu restes à jamais l’Enfant Chérie offerte à la VIE pour notre grand bonheur.
Jacqueline.