carnet d’installation | 2 juillet 2023
| le temps a filé tout seul, je n’ai rien vu, je ne sais pas où il est allé | je sais que j’ai cherché à le rattraper | je sais que la pluie est venue, que la terre s’est réjouie de cette source céleste manifestée au moment parfait, c’était une soirée et une nuit à suivre de la semaine dernière, les services météo l’avaient promis depuis quelques jours oui sans doute, mais rien ne venait, chaque fois de l’orage au loin, quelques grondements, rien de plus | et puis un soir de grand gris par-dessus le dôme du ciel, enfin elle est venue | légumes abreuvés vivifiés redressés : tomates grandies, melons telles de petites balles à dorer, haricots à l’assaut des palissades, salades jeunes en train de s’installer, courgettes déjà belles | ne pas oublier les fleurs bien sûr, sauges enracinées s’épanchant s’affirmant, tournesols ouvrant leur cœur, et multiples têtes colorées dont j’ai oublié les noms listés sur le sachet de graines |
et c’est en écrivant
que je sens le temps filé absorbé par ma chair de vivante tout comme l’eau absorbée par le corps de la plante, tandis que je conduis les tâches quotidiennes afin que la vie se poursuive,
tout comme l’eau
| désormais impossible d’écrire ces deux mots en écrivant sans les associer à deux autres si proches, en fait devenus indissociables | en lisant en écrivant | cet ouvrage de Julien Gracq que j’ai dû acheter plusieurs fois et lu sans relâche, impérissable | et c’est en écrivant que je vois les blés chevaucher le coteau et offrir leurs épis dans l’axe de la plus grande lumière pour les mûrir, je vois les derniers coquelicots au bord du fossé, les composées blanches et jaune tendre au plus frais de l’herbe | en écrivant je place les choses dans le tableau à leur place, j’ajuste et m’oblige à préciser leur présent pour fixer les images quelque part dans mon avenir, pour ne pas oublier | en écrivant l ne pas oublier, jamais |
Photographie Françoise Renaud – à l’orée du domaine, mi juin 2023
-Pour ne pas oublier, en écrivant, ne pas oublier, jamais-
Quelle puissance dans ces mots.. Tu enracines la mémoire de souvenirs précis, avec cette magie de résurrection dès lors qu’ils affleurent les yeux..
On te lit, on y est. On respire, on ressent, on contemple. On entre en commune dimension dans l’infini silence.
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le fait d’écrire fixe en effet les choses, ça oblige, ça contraint… et c’est dans la contrainte qu’on créée et non dans la liberté de tout faire… la contrainte du temps, la contrainte du corps et du silence…
on réinvente par les mots…
merci Marie Claude de sentir cela