carnet d’installation | 2 avril 2023
chaque jour envisager une mise à jour | chaque jour penser que ce pourrait être le dernier, le dernier d’une longue série finalement | chaque jour se réjouir pour presque rien | chaque jour constater que l’air a changé, ça se ressent tout de suite à lever le volet et à ouvrir le battant de la fenêtre |
Bien qu’une tempête traverse le pays, apportant nuages noirs et averses fortes, on sent on ne sait quoi de nouveau, d’adouci, d’éclairci, on espère voir apparaître la raison de marcher plus loin dans le temps, d’explorer une nouvelle portion d’espace, d’apercevoir la saison qui fait pousser fleurs et légumes. J’ai déniché une pépinière nichée dans un vallon près d’ici. Elle ressemble à la femme qui l’a créée il y a cinq ans, elle est pleine de richesses. J’ai rempli la voiture de fraisiers framboisiers cassissiers plnates aromatiques mesclun chinois et petites salades rouges sans oublier pommes de terre oignons échalotes. J’ai choisi un bel hydrangea, une graminée rebelle, quelques rampantes à courir sous les arbustes, d’autres encore — j’ai oublié, il y en a beaucoup. Plaisir de les contempler rassemblées dans leurs caisses en attendant que la pluie ait cessé et que la terre ait retrouvé suffisamment de mollesse pour planter.
chaque jour aimer | chaque jour aimer ce qu’on est en train de faire | chaque jour se contenter de pain et de thé |
Je ne savais pas encore que ma voisine faisait du pain. Le jeudi elle pétrit, le vendredi elle cuit. Le trésor venait de sortir du four, elle l’avait enveloppé dans un linge. Je l’ai pris dans les mains, j’ai mis mon nez dessus. Aux céréales m’a-t-elle dit, une farine spéciale, j’y ajoute des graines de lin. Chaud, beau et bon, se garde toute la semaine. Chaque vendredi il y en aura un pour moi.
chaque jour poursuivre la même pensée, insaisissable, qui demeure sur le bout de la langue comme un mot qu’on cherche en vain |
Ce début de printemps révèle le jardin. Visité pour la première fois en octobre dernier, il m’avait paru sec, de peu de ressources, à l’abandon. Je me trompais. Flambée des jaunes dans la petite haie derrière les clapiers, magnolia bienheureux dans cette terre légèrement acide, rosiers sauvages revigorés de jeunes feuilles rouges, lilas en ringuette vert tendre, mais je reviendrai sur le sujet.
chaque jour dire ou écrire quelque chose qui compte | chaque jour frissonner se souvenir oublier |
Photographie FR©, printemps 2023
Merci Françoise, quelle douce ferveur, quel rythme apaisant. Chaque jour…
Janine T.
J’en ai déjà laissé un de commentaire. C’est bizarre. Mais il était un peu court peut-être.
Je voulais te dire aussi qu’en lisant ton texte j’ai l’impression d’entrer dans ton jardin, dans ta maison, dans l’odeur chaude du pain. Tant de sensualité tranquille. Merci.
merci amie Janine d’avoir franchi le seuil de ma porte et de t’être laissée inviter à ma table dans l’odeur du bon pain…
et merci de souligner ces aspects qui échappent à celui qui écrit
Chaque jour écrire, et lire Françoise ! Merci pour ce beau texte.
Nous nous lisons
nous nous explorons et nous soutenons dans la difficulté d’écrire… tu le sais bien…
merci d’avoir pris le temps de passer…
Tu mets en mots justes ce que devrait être notre vie loin des contraintes infligées, loin du brouhaha qui enfume la tête, loin du boîtage qui nous enferme, les paupières lasses de trop voir, loin des sens saturés de semblants, loin de soi perdu dans un mirage affligeant ou trop affairés à gratter pour vivre, survivre sans pause, si fatigués..
Il suffit de si peu pour se sentir vivre, vibrer comme une odeur de pain encore chaud sur la peau…
Je me lance pour mon premier commentaire, Françoise.
A te lire, cela me rappelle mes longs étés passés en C. et quelques autres périodes où je voyais se transformer la nature… L’hiver, nous allions cueillir le houx et ses belles boules rouges que nous accrochions au sapin. le printemps explosait de mille couleurs… L’été, beaucoup moins chaud que dans le Sud, laissait des prairies encore verdoyantes et à l’arrivée de l’automne nous permettait de cueillir de beaux champignons ou de ramasser de gros escargots.
Je ne mesurais pas ces moments de bonheur simple avant de les écrire ce soir…
Une évasion avant de trouver le sommeil.
Merci F.
bravo de t’être jetée à l’eau et de dire ce que le texte a éveillé chez toi en cet espace réservé à l’échange
l’écriture exalte la sensation en souvenir et en réel, tu le dis si bien…
Jubilation de la découverte, de la rencontre et de l’achat… Plaisir de l’attente, à contempler cette promesse de plantations prochaines, de récoltes futures, du décor à agrementer entre pousse naturelle et pousse venue du cœur… À l’affût mais sans impatience…On savoure tes mots comme tu savoures le moment présent…
Moi je pense que je vais l’apprendre par coeur ce beau texte pour parvenir en fin à ne plus penser autrement, à ne plus penser en négatif, à parvenir à dire « vive la vie » à presque 77 ans, enfin !!!. Une petite pensée aussi à l’adorable Janine T (de la part de Marie R. qui est tellement contente d’avoir croisé sur son chemin de traverse des êtres rares comme vous) .
Je sens poindre, chez moi , une certaine jalousie… Mais je vais me soigner!
Période propice des plantations et des espoirs mais aussi la découverte de la voisine… elle fait du pain, source de vie, ne dit on pas le pain de la vie.
Et je te vois revenant le nez sur la miche en essayant de ne pas en perdre une effluve. Sacrée Françoise !
Il y a comme ça des jours « rieurs » où sous la pluie et les nuages il y a comme un air de bonheur qui lave nos tristesses et nous revigore. Ce texte est un magnifique hymne au printemps où nous renaissons avec la nature. Je crois que je vais aussi l’adopter comme « prière » du matin pour chaque jour AIMER, LIRE, PARTAGER et FRISSONNER de Plaisir…Jacqueline.