Il existe une île dans le Nord armoricain. Plutôt une suite d’îlots rocheux parsemés sous le drap du ciel, noirs et roses et bleus, où la réalité s’estompe au profit du sensible, où chaque parcelle de terre délivrée des poussières par le bal des marées modifie ses contours en émergeant ou s’ennoyant, un peu comme l’animal s’aplatit dans l’herbe pour se fondre dans le paysage.
J’y séjournais il y a peu.
Et j’ai vu comme une fissure entre la côte et l’île, une fracture suintante mouvante froissée de courants où le bon nageur se perdrait à coup sûr.
Quand la mer se retire comme ça — on ne sait pas où elle va —, on dirait un vaste chantier en attente. Plantés sur le rivage on attend aussi, nous les vivants. On attend la remontée des eaux, la volte-face du vent épicé, on attend l’arrivée du bateau pour rallier l’île ou au contraire s’en retourner vers le continent.
On contemple le ciel forcément.
Et l’eau. Et la ligne de terre en face. Et le ciel à nouveau.
On attend.
Pour être née sur un autre rivage un peu semblable, j’ai reconnu le corps de ce pays dans sa rudesse et sa souplesse. La nature des roches diffère mais la présence de l’océan confère aux courants d’air la même odeur et on ne sait plus où porter les yeux tant il y a de choses à voir. J’ai ressenti parfois une subite mélancolie à cause de la fugacité des nuages, à cause des barrières invisibles qui séparent du divin bien qu’on se trouve loin des villes. Continue reading →