rien ne vient, rien
ou pas grand chose
difficile d’inventer les intrigues qui seront celles du nouveau monde, le monde de l’après-catastrophe même si la catastrophe n’a pas eu lieu, seulement la peur, la peur au seuil d’un drame annoncé, la peur de la maladie provoquée par une toute petite entité qui porte un tout petit nom (virus, aussi effrayant que cancer ou Tchernobyl), peur pour les siens (peut-être pour soi aussi), peur absurde ou peur légitime à voir les soignants en tenue de cosmonautes, les fosses communes, les cercueils alignés, peur d’y laisser le souffle, enfin le jour vient où on a le droit d’aller au parc ou au bord de la mer pour prendre un bol d’air et on se dit que tout va bien (mais qu’est ce qui va changer de la vie, hein ? tu te le dis pour toi-même car tu vois bien qu’eux vont continuer à garder leurs petits-gosses le mercredi, à les conduire à la danse ou au foot, à prendre leur voiture pour aller chercher le pain et l’avion pour un oui pour un non, continuer à faire du tourisme, à piétiner les landes en sursis au bord de l’océan, continuer de se tuer en moto ou à cause d’une mauvaise appréciation ou d’une imprudence, à douter de la fidélité de l’autre, à le pousser à bout jusqu’à tomber dans le noir ou la drogue, tout sera balayé de ce qui est arrivé), ainsi tout va continuer, d’ailleurs c’est déjà le cas, c’est ça la vie n’est-ce pas, l’apéro, les vacances, les chansons qu’on écoute en boucle et qui font pleurer, les petits événements qui rendent jaloux, grincheux ou heureux, et puis un soir on voit à la télé un type noir qui se fait étouffer par un autre, le monde s’enflamme
on ne sait plus
ou plutôt on n’a jamais su qui on est vraiment, chacun dans sa peau à chercher le vrai langage (la voie) de l’indescriptible, le Corona déjà dilué dans l’atmosphère secouée par les vents chauds
j’entends pourtant comme un murmure, un frémissement, une onde qui a commencé à s’étendre à la surface de l’eau
Photographie : Shadows de René Bohmer, Unsplash
La peur, Françoise, comme tu la décris, ça remet les pendules à l’heure. Du moins pour ceux qui ont réfléchi, se sont remis en cause par les interdits, l’inconnu, le virus.
Et le naturel revient, peut être moins vite que le galop mais tout doucement, comme tu l’écris si bien après chaque autorisation, c’est l’humain qui reprend ce qu’il croit être ses droits.
La mémoire reste courte, chez l’homme, il est vraisemblable que rien ne changera vraiment. Merci pour ton texte.
Certains comportements changeront, d’autres pas. Je pense que le recours à l’avion sera moins systématique et les horizons lointains réservés aux jeunes aventureux. Car nous n’avons pas encore affronté la rentrée économique qui obligera à modérer les envies par souci budgétaire. Mais bon, il reste les petits bonheurs d’un quotidien à optimiser par nous-mêmes. Te lire en est un chère Françoise ! Et c’est ce que te murmure le ruisseau, sous tes fenêtres…
Qu’est donc ce monde, avec ou sans coronavirus, hormis le nôtre ? Un flou de généralités avérées laissant un goût quelque peu amer dans nos cœurs… L’écran de nos désillusions semble plus large après une séquence surlignée de drames dont l’intrigue trouve la puissance en se nourrissant de la peur. Tu me parais bien pensive et le regard trouble ces derniers temps… Le voyage s’est déroulé dans nos contrées intérieures dès lors que la maladie nous a épargnés. Il y a tout le reste, c’est vrai et c’est un vaste sujet dont chacun parle selon la taille sa porte… Oui, nous irons à nouveau faire ceci, cela, oui la routine va continuer à tisser sa toile autour de nous. Oui, nous reprendrons le verre en trinquant à n’importe quelle bonne occasion sauf que, de temps en temps, en déplaçant légèrement les préoccupations, on risque aussi de se poser. Avec qui je bois, quelle est l’histoire de cette coupe entre mes mains, quel extraordinaire travail a-t-il fallu pour finaliser ce que je déguste etc etc…?
Se réveiller à l’avant mort, justement comme toi tu peux savourer cette fluidité qui t’arrive sans doute lorsque tes doigts laissent écrire ce que ton être le plus mystérieux te souffle dans le plus intime de tes oreilles… Révéler le négatif de l’image à la lumière, voilà ce qui peut tout doucement arriver, non pour les autres qui peuplent nos chimères mais pour soi, l’auteur de notre propre livre.
Je t’embrasse, toujours aussi touchée par tes mots.
Je vis, j’ai échappé au virus ainsi que les miens. Avec le sourire je regarde autour de moi. Tout va continuer pour la grande majorité de personnes, ils ne savent pas ou ne se donnent pas la peine de vouloir agir autrement. Cependant certains s’activent déjà, avec le vélo, le zéro déchet, le consommé local, le recyclage… mais il faudrait des millions de certains.
Merci Françoise pour ce texte qui est bien plus que pas grand chose.
Je crains comme toi que l’épisode que nous venons de vivre , n’ait pas fait réfléchir l’ensemble de l’ humanité. A peine le danger éloigné qu’on se presse de reprendre la vie d’avant et d’oublier les leçons de la vie confinée… l’avenir est sombre. Pour survivre il va falloir savourer les petits bonheurs qui passent et se contenter de ce qu’on a …
Personnellement cette période m’a laissé des traces, cette ambiance de dictature molle, à la Salazar… D’où un besoin impérieux d’être encore plus attentif à mes besoins véritables, essayer de ne pas faiblir sur ce plan, afin de laisser le moins d’espace possible à un système pervers qui effectivement joue la partition de la peur. Merci pour ce beau texte Françoise !
Je n’ai pas grand chose à rajouter à tous ces commentaires qui soulignent l’absurde et l’espoir que l’humanité tisse pour un avenir que chacun appréhende avec ses émotions et ses peurs… Mais c’est le PRÉSENT de l’été qui s’annonce et de la VIE qui reprend ses droits… comme le murmure d’une onde… qui dessine déjà les mots d’un DEMAIN plein de promesses que tu dois maintenant inventer, chère Françoise, pour la suite de ton texte et des matins qui chantent…. Jacqueline.
Il y a des chiffres dans leur cœur.
Il y a du morbide dans leurs voyages.
Il y a la pensée snapshot qui s’efface aussitôt qu’elle vient.
Il y a les enfants face au réel.
Il y a tout le monde face au réel.
Et puis, y’a moi qui ai peur.