s’en revenir au jour, au temps flottant, au temps de l’invisible, se laisser aller à rouler à travers les espaces à portée de regard, ciel et terre dans la fenêtre (la mer est loin d’ici), tendres vallons à l’endroit à l’envers, forêts, ruisseaux qui murmurent et animaux guettant leurs proies, errer dans le chemin qui monte au col puis revenir en vissant bien profond la foulée dans le sol à chaque respiration, errer en soi, creuser en soi, s’en revenir aux temps du début de l’homme où les tribus vivaient de peu dans l’univers sauvage et sans frontières, happer le silence associé au temps invisible, percevoir sa qualité, saisir à l’intérieur de ce silence le cri de l’oiseau qui jaillit d’un fourré en quête de matériau pour fignoler son nid ou l’aboiement d’un chien inquiet
s’en revenir au jour après le sommeil, au temps flottant de l’enfance où les gestes sont souples et si déliés, où tout manque, où tout promet
s’en revenir à l’essence de l’instant, celle accessible aux humains — possible mélancolie oui — alors que nous sommes réduits à errer dans nos maisons pleines de possessions — ô toutes petites possessions —, réduits à la rumination, pourtant libres de penser de rêver de creuser en soi de regarder autour de soi de gémir de hurler de caresser la peau de l’autre de regarder le chat qui dort et l’eau qui coule au bord du jardin de respirer simplement respirer percevoir au plus fin toutes les émotions qui traversent sans jamais se retourner
pour nous humains les jours manquent de se ressembler si on n’y prend pas garde alors qu’infinies nuances de toutes parts, jaillissements, rapides mutations des arbres en fleur, fragilités soudaines
ainsi lentement changer la façon de nous adresser au réel, au visible, au désir du visible
Photographie : Françoise Renaud, avril 2020
J’aime beaucoup ce temps flottant, très actuel comme réflexion.
Un très beau texte qui doit faire relativiser deux verbes : être et avoir mais aussi nous inciter à admirer ce qui nous entoure car c’est ça dont nous avons vraiment besoin.
Très profonde réflexion.
Jour 25… Ça commence à être dur… L’isolement, le temps suspendu, la solitude qui obligent à « s’en revenir » à l’essentiel qui pèse, alors que l’air d’un printemps prometteur nous emmenait dans la légèreté du renouveau…
Mélancolie d’un temps qui n’est déjà plus où, sur le chemin d’un avenir encore incertain, nous errons à la recherche d’un paradis perdu.
Accompagnement qui nous soutient et nous console… Bonheur des mots.
Jacqueline.
J’aime beaucoup ce texte, d’où la ponctuation s’efface à mesure que les heures et les jours de notre confinement se confondent… C’est si juste. Merci.
trés beau texte dans le contexte actuel ou tant de souvenirs, de moments reviennent,
mais restons optimistes bientôt…..
ô toutes petites possessions
oui et ce que nous avons est déjà tel.
Ce beau texte me conduit à cette réflexion :
Nous naissons libres mais enchaînés de toutes parts… c’est ce qui nous arrive en ce moment ; mais parfois nous nous créons nos propres chaînes avec l’AVOIR toujours plus. Réflexion à porter pendant que nous errons dans nos maisons.
la vie palpite de toutes parts
la brise du matin humecte ses boucles rousses
le nez au vent
la démarche assurée
respirer s inspirer
un texte lumineux qui exhale une élégance parfumée
au souffle du printemps
Je t’imagine si bien arpentant tes belles collines environnantes, tes sens à l’affût de ce qui nourrira ta sensibilité et tes écrits. Oui la nature si puissante et nos possessions si petites… Un contraste que le contexte actuel ne manque de cruellement nous rappeler et que tu mets si bien en mots poétiques.