récit
collection Petites Proses, décembre 2014
illustrations : encres de Marie-Lydie Joffre
« Quelque chose d’incroyable est arrivé, une vague plus sombre que celle d’Hokusaï a déferlé sur ce nouveau pays que j’habite. Elle est venue du Naduel, un ruisseau inoffensif, en sommeil. Personne ne pouvait imaginer une chose pareille. Alors, tout a été changé du paysage et de nos vies.
Il m’a fallu un certain temps après la catastrophe pour recouvrer la voix. Depuis, le temps s’est ralenti et chaque chose a un goût plus prononcé. »
Le 17 septembre 2014, le village de Saint-Laurent-le-minier dans le Gard a subi un événement sans précédent. Une vague de boue l’a submergé, causant d’impressionnants dommages, détruisant les ponts, emportant les jardins, envahissant les maisons.
L’écrivain habitant depuis peu le village, raconte ce qu’elle a vu, entendu, vécu durant cette période hors du temps ordinaire.
Encre de couverture : Marie-Lydie Joffre
ÉCHOS DES LECTEURS
INTERVIEW PLATEAU 18
JT du OFF de Montpellier, animé par Pascal Nyiri, réalisé par Jean-Pascal Girou
ARTICLES DE PRESSE
Un livre pour témoigner de l’expérience vécue à St Laurent le Minier
Midi Libre, 10 janvier 2015 (article de Chantal Bossard)
Fenêtre sur cour, article de Philippe Castelneau, sur son blog Rien que du bruit
Témoignage émouvant sur les inondations de l’automne
Midi Libre, 15 janvier 2015 (article de Martial Casino)
Inondation, 17 septembre 2014
Montpellier Info, le journal du Grand Montpellier
MONTAGE VIDÉO, 2015
Réalisation et production : Françoise Renaud (œuvres de Marie-Lydie Joffre)
FRAGMENT
J’écris je, il ou elle, on ou nous.
J’écris pour nous tous, les habitants, les sinistrés, les forçats de la boue. Ceux qui ont toujours habité là, ceux qui sont partis puis revenus, ceux qui sont arrivés au beau milieu de leur vie, peu importe. Ceux qui ont perdu gros, ceux qui ont perdu peu, ceux qui ont été généreux et ceux qui n’ont pas su l’être. Ceux qui sont envahis par la peur quand le ciel tourne noir, ceux qui ont confiance dans l’avenir et vont de l’avant, ceux ne savent pas encore qu’ils vont se faire enfler par les maisons d’assurance. Aussi ceux qui sont tristes parce qu’ils ont perdu leur pont ou leur voiture, ceux qui n’ont plus de photos de leurs petits-enfants et de leur vie d’avant, ceux qui ont perdu leur père leur ami leur voisin et qui bien sûr se moquent de toutes ces considérations.
J’écris ce quelque chose de la vie bouleversée, ce quelque chose qui a commencé au moment de la trombe d’eau dans la montagne suivie par le déferlement de l’eau et qui va se poursuivre longtemps à travers de nombreuses saisons, en particulier en automne chaque fois que la Grande Bleue sera trop chaude et que les masses nuageuses viendront se heurter contre les flancs de nos montagnes pour y déverser des pluies brutales.
J’écris ce que j’ai vécu. J’écris aussi ce que j’ai entendu, ce qu’on m’a dit — par conséquent ce que je sais.
Parce que les histoires vraies ne se révèlent qu’après coup avec des mots venus à notre insu, comme ça, sur le seuil d’une porte ou en se croisant au tournant de la rue. Au début on ne réalise pas, c’est trop frais, on a du mal à croire que c’est vraiment arrivé. Il y a des blancs dans la toile. Comme des trous. Et puis petit à petit, ça revient, les détails, les bruits, les couleurs. On raconte. On n’en finit pas de raconter. […]
Illustrations : encres de Marie-Lydie Joffre
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