roman
CLC éditions, 2006

illustrations Denis Caporossi

Hilde et Martha, je les ai voulues sensibles à l’extrême, aptes à pleurer et à s’enthousiasmer, à percevoir certains événements minuscules qui composent le temps et habitent le vent.
J’ai voulu les guider au-delà des frontières ordinaires, dans le désert australien.

  couverture La Peau de dingo

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icône sonCHRONIQUE DES LIVRES de Djilali Bencheick
pour Radio Orient

« Martha savait ce qu’elle faisait en parlant à sa petite fille des tribus aborigènes d’Australie. De son point de vue, ces peuples étaient parmi les plus purs qu’avait connus notre planète… Chose curieuse, le monde entier les ignorait…
Quand elle referma le grand livre, son visage parut vieux et très calme…
Elle ajouta : Nous autres civilisés, nous croyons détenir la vérité. Au fond nous ne savons pas grand-chose. Heureusement que nous avons les livres pour nous souvenir. »

La peau de dingo raconte l’éveil d’Hilde, jeune fille sensible à la nature du monde. Des expériences particulières la conduiront à se passionner pour des hommes de désert — qu’elle appellera le Peuple Vrai. Auprès de sa grand-mère, d’Ulrik son cousin complice, et d’Angelica, artiste venue de Patagonie, elle comprendra que l’âme existe et que la vie humaine est un incroyable voyage.
Un livre à mettre entre toutes les mains, même les plus jeunes.

 

FRAGMENT

Hilde était une personne sensible, bien plus que son cousin. Elle aimait les histoires tragiques, les chansons d’amour, et les larmes coulaient facilement le long de ses joues quand elle les écoutait. Elle se montra forcément plus sensible que lui aux images en papier glacé des revues– une chose que j’aurais pu prévoir dès le commencement.

Certaines de ces images étaient semblables à des peintures, en particulier les paysages.
Quand il y avait des gens, oh des gens tout simples qui se baignaient dans l’eau des fleuves, chassaient dans les forêts ou façonnaient avec leurs mains des objets en terre ou des galettes de céréales assis devant leurs maisons, ses larmes redoublaient. Elle n’aurait su expliquer pourquoi. Tout semblait se passer hors du temps.
Les hommes avaient de belles carrures et des muscles souples. Ils déployaient leur force sans réserve quand ils poussaient leurs pirogues jusqu’à la berge pour partir à la pêche ou quand ils se lançaient à la poursuite des bêtes féroces avec des sagaies. Les femmes offraient leurs poitrines et chantonnaient pour les petits qu’elles nourrissaient. Certaines avaient des plumes ou des cordelettes colorées tressées dans les cheveux. D’autres portaient des vêtements brodés, de drôles de coiffes et des colliers de pierres. Le soir, les joues et l’arrondi des épaules rougeoyaient à la lueur des feux où cuisait le gibier à cause de l’argile ou de l’huile qui les recouvrait.
Les vieillards, eux, ne bougeaient presque pas. Leurs visages ressemblaient à la peau des entrailles, lacérés de rides minuscules – du moins c’est ainsi que Hilde imaginait les entrailles. Déjà ils avaient traversé leurs vies et sans doute qu’ils attendaient le dernier passage comme on attend le dernier bateau pour gagner l’autre rive.
Après un long moment d’observation Hilde lisait le commentaire disposé en petits paragraphes sous la photographie.
En dépit de leurs occupations, ces gens-là avaient l’air d’abriter de lourds secrets, voilà ce qui la frappait. Et il lui semblait déceler dans leurs yeux le battement de leurs cœurs, dans le fil ténu de leurs lèvres comme l’aveu d’une souffrance qui se serait tapie à l’intérieur de leurs poitrines, issue du commencement des temps.

Cette souffrance-là, elle la connaissait elle aussi. Elle la détenait quelque part, nichée dans sa cage thoracique, comme tous les êtres poussés dans le ventre d’une femme.

 

 

Illustrations, Denis Caporossi
huiles sur carton, 2005
(technique mixte, peinture à l’huile à la spatule et au couteau, teinte sépia)

 

mai 2006 – EAN : 9782846590525
17 illustrations noir et blanc – 170 pages – 15 €