Il m’a fallu traverser le marché pour atteindre la librairie. Grand vent. Je marche d’un bon pas. Il fait assez froid et les nourritures sur les étals donnent envie de manger.
Enfin la librairie, là-bas. Je la vois.
On m’a installée dans un petit coin au rayon Jeunesse. Oui d’accord, mais je signe un roman pour adultes… enfin, tant pis, je ferai pour le mieux. Après dix minutes je me demande ce que je fais là, pourquoi j’écris, pourquoi je perds mon temps un samedi matin pour pas un rond. Toujours difficile d’expliquer à ceux qui passent que le livre que vous avez écrit ne vous rapporte presque rien. Vous l’avez écrit quand même ! Oui mais… ce n’est pas ce qu’on croit, la chaîne du livre, tout le monde mange sur le dos des auteurs etc.
À cet instant-là j’aurais bien aimé boire une tasse de thé, quelque chose de chaud — le librairie doit être fauché pour ne rien proposer. Je me frotte les mains pour me réchauffer et continue à faire bonne figure, à essayer de convaincre chaque fois que quelqu’un se risque au rayon jeunesse. C’est un roman qui parle du pays, vous savez. Ah bon ? Étrange situation, surtout ne forcer personne, juste parler un peu. Un livre, c’est un monde, un champ qui s’ouvre, une cabane pour se cacher… ça se désire comme un gâteau dans une vitrine.
Je regarde ma montre, j’ai envie de lever le camp, d’aller acheter des oranges et un bouquet de gui pour Noël. Une amie pointe le nez, et puis une autre. Heureusement qu’elles sont là, ça fait un bien fou. Midi et demie, je ne demande pas mon reste. Dehors ils ont commencé à ranger leurs marchandises. Ils sont tous bien couverts. Ils connaissent ce type de temps et ils ont prévu bonnets et mitaines.
Photographies : Françoise Renaud, décembre 2017