La nuit était froide. Un lot d’étoiles scintillait au milieu des nuages noirs et le phare jetait son puissant pinceau de lumière vers le large toutes les cinq secondes, puis toutes les trois. Aucun bâtiment à l’horizon. Le vent du sud était puissant et la mer bien formée.
Parvenu au pied du remblai, il bifurqua pour emprunter le chemin aux oiseaux qui ourlait le relief des dunes. Il n’eut aucun mal à reconnaître le bouquet de tamaris sous lequel il avait déposé son panier le jour du pique-nique. Il repensa à Mia qui était arrivée en conduisant l’enfant par la main. Si elle s’était trouvée à ses côtés pour cette balade nocturne au bord de la mer, il aurait passé le bras autour de ses épaules — ah cette façon unique qu’ont les humains de s’accompagner, de se réconforter — et il aurait caressé son cou, et aussi ses cheveux soyeux et très noirs qui cachaient son visage. Misérable consolation. Enfin tout de même il aurait apprécié de toucher et chérir quelqu’un d’aussi gentil qu’elle, de percevoir sa chaleur, et ils auraient marché ensemble le long du rivage sans avoir besoin de se parler jusqu’à trouver un endroit qu’ils auraient jugé agréable, replat bien dessiné au pied de la dune ou cuvette sableuse à proximité de l’eau. Tranquillement ils auraient déposé leurs affaires dans le même périmètre, ils auraient ôté leurs chaussures et ils se seraient assis pour regarder le spectacle. Le vent fou aurait bousculé leurs têtes. Sans se lasser, ils auraient écouté le fracas blanc des vagues et ils auraient surveillé l’enfant qui voulait toujours jouer trop près du bord avec le sable.
Mais elle n’était pas là, l’enfant non plus.
Il tourna la tête vers le port.
Plus rien n’était visible de la jetée assaillie par les déferlantes et les lumières des quais, déjà lointaines, s’estompaient à cause des embruns en suspension.
Il continua à avancer.[…]
extrait de Petite musique des vivants (CLC éditions, 2012)
Photographie, Hicham Gardaf
Line 17 septembre 2012
Toujours aussi bien écrit, évocateur, envoûtant… Continue, Françoise !
françoise Toursel 18 septembre 2012
Une page fluide et douce…
Merci pour l’avant goût…
ça va être bien beau…
zeugma 18 septembre 2012
Cela donne envie de poursuivre.
Pascal 18 septembre 2012
Oui, je vais lire ce livre. L’inconnu qui tourne la tête m’intéresse.
Lydia CONTI 20 septembre 2012
vite la suite Françoise, tu nous mets l’eau à la bouche.
dupont-valin 1 octobre 2012
Très prometteur. Ambiance marine dont je connais si bien les mystères. Amie, tes cheveux de lumière balaient ton visage fouetté par le sel et les embruns. Tu es là chez toi, je suis impatient de lecture. Autorise seulement au vieux marin de t’indiquer qu’un sémaphore permet de communiquer avec les navires, un phare qui balaie la nuit guide les navires.
Tendresse.
COLOMAR Joëlle 4 octobre 2012
La vie et ses non dits, ses gestes suspendus, ses yeux égarés dans les pensées…la vie que tu sais si bien dire. Joëlle