[…] Vient le moment où la mémoire n’a plus d’importance, où les événements vécus en amont se fondent en un vaste champ de miroitements et d’ombres avec le mystère de notre propre existence mélangé à la terre comme un fumier. Et ce moment vient pour elle alors qu’elle se trompe de chemin, se perd dans le dédale des palissades et des passerelles jetées par-dessus des fosses béantes à cause des travaux de construction du métro. Des engins creusent les entrailles de Delhi et des ouvriers en cohorte portent sur la tête des paniers remplis de glaise. Elle est donc obligée de progresser à contre-courant, de naviguer à vue entre éventaires et mendiants qui tirent avantage du désordre.
De temps en temps elle lève la tête pour se repérer aux bâtiments plus élevés. C’est au détour d’une palissade qu’elle la voit.
La fille.
Elle est assise sur un morceau de guenille.
Ou plutôt accroupie entre poussière auréolée de crachats et tôles ondulées.
La scène ne dure que peu de secondes, pourtant chaque détail prend place dans la vision. La fille est jeune — presque fillette — et très maigre. Des tissus la recouvrent dont on se saurait décrire l’exacte tournure, étoffe décolorée enroulée autour du buste ou jupon beaucoup trop grand pour elle. Ainsi elle avance inexorablement vers cette fille aux nippes sales et aux mains implorantes installée en retrait du passage.
Encore quelques pas.
Maintenant elle voit le bébé qui git à même la terre, étrange créature à peau noire et fripée […]
Extrait du roman L’Autre Versant du monde, FR©, CLC éditions, 2009
Photographie : Vârânasî – Sur les ghâts, ©FR
Chantal Angogna 14 juin 2012
Et pourtant ce n’est pas la pauvreté, la saleté dont je me souviens. Ce dont je me souviens c’est de leurs sourires, hommes femmes enfants toujours souriant, positifs et accueillants quelque soit leur statut leur caste leur richesse leur pauvreté. Je les aime profondément, oh oui je les aime et veut les revoir et passer du temps avec eux avec elles.
françoise renaud 15 juin 2012 — Auteur d'un article
l’Inde résonne longtemps et puissamment en nous…
peut-être cette étrangeté, cette simplicité, cette force au quotidien de leur existence tressée à l’hindouisme…