À partir de ce point, le monde lui paraît insolite comme si elle venait d’ouvrir les yeux au milieu du sommeil, égarée dans l’espace et le temps. Elle n’a qu’une certitude : celle d’être vivante dans la mesure où sa peau est chaude et où ses yeux découvrent la route où progresse le taxi, une quatre-voies bordée d’accotements instables et encombrée de camions en provenance du Rajasthan ou de provinces plus éloignées encore, hardis à imposer leur masse aux véhicules légers. En retrait de la route, des bâtiments en cours de construction. Elle voit leurs silhouettes de guingois émergeant de sols mal nivelés. Ci et là des hommes en vêtements sales en compagnie d’animaux attroupés autour de foyers ou de petites échoppes qui proposent de la nourriture et des produits de première nécessité, retardant le moment d’aller s’assoupir sous une bâche ou un toit en tôle dans les terrains voisins pareils à des décharges.
Le brouillard gênant l’observation depuis la voiture, elle renonce. S’intéresse au chauffeur.
Petit de taille.
Cheveux teintés au henné. Pantalons et pull-over désuets.
Elle perçoit son odeur pareille à celle de la banquette, âcre, un peu écœurante.
Silencieux, il s’applique à conduire. De temps en temps il jette un œil à son tableau de bord étrangement constitué d’images fluorescentes représentant des divinités du panthéon hindouiste, de pompons bariolés et d’un morceau de guirlande argentée.
Photographie de Bernard Mauric
Extrait du roman L’Autre Versant du monde, FR©, CLC éditions, 2009
Chantal Angogna 14 juin 2012
oui je me retrouve avec eux, avec elles. Images de délabrement, de ruines et de gravats à côté d’un patrimoine architectural et religieux très présents et magnifiques. Delhi comme si la ville avait été construite au milieu d’une forêt d’arbres séculaires. Varanasi et les ghâts au matin pour les ablutions et le réveil des indiens des indiennes des divinités.
L’Inde me manque, son peuple me manque. J’ai laissé quelque chose de moi là-bas. Oui j’y retournerai sûrement.