en mon for intérieur – jour #40

Un mot m’est apparu clairement il y a quelques jours, un mot qui m’a heurtée, presque anéantie même si je n’en ai pas compris tout de suite l’écho et l’importance. Et dans la scène où il a surgi, il était comme une blessure.
(ce fossé qu’il creuse en moi à présent qu’il m’habite et me hante, cette impression de rupture, cette dévastation qu’il engendre dans mon paysage et dans mon avenir)

Barrière. Le mot est puissant. Un peu comme une onde de choc, il a pénétré les galeries de mon corps. Il murmurait, parlait de couper barrer séparer clore éloigner cloisonner repousser empêcher, d’un coup définissait le clos et l’ouvert, l’enfermé et le libre — tout ce qu’on a perdu et manque. Impossible de s’en retourner en arrière. Barrière. Qu’elle soit en pierre bois métal béton verre tissu plexiglas, elle interdit l’accès, interrompt l’élan, dissimule le sourire. Plus toucher, plus sentir. Amplification de la séparation. L’autre n’existe plus qu’à distance, redouté, pestiféré. Ne reste que la grâce du souvenir de la peau et de l’étreinte.

Au matin ta main approche mon visage, se pose sur mon front, effleure mes paupières. Tout l’amour dedans. Et la lumière vient plus forte. On se demande quel jour on est, dans quel monde on vit. La rivière continue à couler, brossant les cailloux gris et blancs. Sa rumeur est douce et le végétal exulte. Au loin, quelque chose a changé.

Photographie : Tim Collins (Unsplash)

 

en écho au texte, ces deux images qu’un ami, Marc Philippart de Foy, m’a envoyées… 

 

9 commentaires

  1. Un gros coup de blues on dirait… les barrières se lèveront ainsi qu’elles le font quand le train est passé !! Pense aussi aux jolies barrières champêtres et fleuries qui gardent le bétail… peut être que rien ne sera comme avant , mais il faut voir le verre à moitié plein sous peine de se laisser dévorer par ce méchant virus… il faut faire barrière contre lui!

  2. Marie claude

    Ta souffrance est bien là, à fleur de mots lâchés pour l’adoucir, sans aucun doute.. Difficile, voir impossible de t’offrir une once de consolation car tu es « toi » et chacun de nous est « moi »…
    Il me semble cependant que des cendres, des projets piétinées, des amours séparés, de la désespérance annoncée, quelque chose d’autre va émerger et nous surprendre. La vie dépasse notre imagination plus d’une fois… Accueillir ce qui ne va pas et résister aux squelettes profilés de l’avenir, voilà aussi qui mérite un titre du guerrier…
    Nous sommes tous sur le même bateau en pleine houle…
    Respire la caresse de ton jardin. Je t’embrasse

  3. Terme jean pierre

    Comme toi, j’ai ressenti ce mot « barrière » comme une atteinte à mon être profond. Rejet imposé de l’autre, atteinte à notre liberté extérieure et intérieure. Insupportable aussi cette manière d’utiliser la peur pour nous obliger à aller dans le sens qu’ils veulent nous imposer.

  4. Oui, mais la barrière est surtout un garde-fou et donc une protection. C’est ainsi qu’elle a été envisagée, présentement, et elle doit servir à ce que nous subsistions. Cela dit, ton texte est comme toujours : puissant.

  5. Ah oui, la fameuse barrière !
    Tu la ressens, tout comme moi, comme un obstacle à la liberté d’aller plus loin, d’aller tout court.
    Une barrière pour ne pas toucher, c’est défendu
    prendre ses distances, c’est obligatoire
    ne pas approcher c’est dangereux
    Contraintes
    – super ton texte qui résonne si bien en ce moment –

  6. Jacqueline Vincent

    Le train est passé et bien sûr il y a le jour d’après, le monde d’après et cette angoisse de ne pas retrouver l’envie de danser la vie de la même façon… par obligation, par protection ou par civisme et là pour moi c’est une vague de révolte, de colère qui me submerge et des questions qui rejoignent tes souffrances… Heureusement, il suffit de sauter la barrière et des coquelicots posés là comme un symbole…

  7. roger marie jeanne

    L’amour avec sa puissance est capable de soulevez les barrières et nous allons continuer à rester les plus forts.
    Aimons la vie par dessus-tout
    Vivons la journée qui passe comme si elle était une histoire
    Les humains seront les élus Ton texte est très beau Je t embrasse fort

  8. Serrer de près, toucher, caresser, embrasser…  nous-autres, méridionaux, sommes des êtres de contact, de proximité, de partage. Alors, « barrière » nous heurte. Infiniment. D’autant plus s’il s’agit de « faire barrière ».
    Mais ne nous trompons pas, c’est à la circulation des virus que nous devons nous opposer. À elle seule. Sans entraver jamais la circulation de la voix ou de la parole écrite, du regard ou de l’image, de l’expression corporelle…
    Ce virus est une saloperie qui nous conduit à plus de modestie, mais il révèle aussi notre force d’adaptation. Par des gestes simples, nous sommes capables de nous opposer à la contagion. Nous ne nous laisserons pas hanter, dévaster, anéantir, si nous remettons la barrière à sa juste place, sa place utile. Et aussi si nous vivons cette barrière de façon altruiste : en me protégeant, je protège ceux qui pourraient être plus fragiles que moi et je contribue à préserver les soignants ainsi que le système de soins.
    Le jeu est louable, il en vaut la chandelle !
    D’autres voies existent que le toucher pour exprimer notre soif de vie, notre amour, notre tendresse, notre affection. Alors, puisqu’il est de notre responsabilité d’Humain de faire barrière au virus, tachons d’y parvenir sans nuire à nos désirs de partage…

  9. La barrière, insupportable pour les éprises de liberté que nous sommes. Mais curieusement ce que je retiens dans ton texte, c’est que l’amour est plus fort que tout. Et qu’il est simple… Tu clos avec grâce et pudeur ce moment de désespoir qui n’est que temporaire, on le sent bien !

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